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Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 1.djvu/54

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ALCMÈNE. Ma vertu me mettait au-dessus de vos outrages. Vous ne me reprochez plus maintenant de m’être déshonorée, mais je ne veux plus m’exposer à des paroles déshonorantes. Adieu ; reprenez ce qui est à vous, rendez-moi ce qui m’appartient. Ne me faites-vous pas accompagner[1] ?

JUPITER. Y penses-tu ?

ALCMÈNE. Si vous me refusez, j’irai seule ; ma vertu sera ma compagne.

JUPITER. Reste, je jurerai avec tous les serments que tu voudras que je crois à la fidélité de ma femme. Et si je ne suis pas sincère, puisses-tu, souverain Jupiter, être à jamais irrité contre Amphitryon !

ALCMÈNE. Ah ! qu’il le protège plutôt !

JUPITER. N’en doute pas, car j’ai juré du fond du cœur… Eh bien, sommes-nous apaisée ?

ALCMÈNE. Oui.

JUPITER. À la bonne heure ! Dans la vie, on ne voit que cela tous les jours : des plaisirs, des chagrins. On se brouille, on se raccommode. Mais lorsqu’on a eu de ces petits démêlés et qu’on a fait la paix ensuite, on est deux fois plus amis qu’auparavant.

ALCMÈNE. Tu n’aurais pas dû me parler comme tu l'as fait ; mais puisque tu répares le mal, il faut bien en prendre son parti.

JUPITER. Fais préparer les vases destinés aux sacrifices ; je désire acquitter les vœux que j’ai faits à l’armée pour mon heureux retour.

ALCMÈNE. Je vais y donner ordre.

JUPITER. Çà, qu’on m’appelle Sosie, et qu’il aille chercher Blépharon, le pilote de notre vaisseau ; il dînera avec nous. (À part.) Il dînera par cœur, et quelle mine il fera quand je prendrai Amphitryon à la gorge pour le jeter hors d’ici !

ALCMÈNE, à part. Je voudrais bien savoir ce qu’il se dit ainsi tout bas. Mais la porte s’ouvre : voici Sosie.


SCÈNE III. — JUPITER, ALCMÈNE, SOSIE.

SOSIE. Me voici, Amphitryon ; commandez, j’exécuterai vos ordres.

  1. Chez les anciens, jamais une femme de distinction ne paraissait en public sans être accompagnée.