Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 2.djvu/175

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SATURION. Ô mon Jupiter en ce monde, c’est votre commensal qui vous parle.

TOXILE. Mon cher Saturion, tu arrives à point nommé.

SATURION. Ah ! ma foi, vous mentez, ce n’est pas bien. C’est Ésurion qui arrive, et pas Saturion[1].

TOXILE. Eh bien, tu mangeras : nous avons sur le feu de quoi restaurer un estomac. J’ai dit de faire chauffer tout ce qui nous restait.

SATURION. On peut très bien manger froid le jambon de la veille.

TOXILE. J’ai donné mes ordres pour cela.

SATURION. Y aura-t-il de la saumure ?

TOXILE. Ah ! quelle demande !

SATURION. Vous êtes un fin gourmet.

TOXILE. Mais te rappelles-tu ce dont je t’ai parlé hier ?

SATURION. Oui : il ne faut pas réchauffer la murène et le congre ; ils sont bien meilleurs froids. Mais n’engageons-nous pas le combat ? Nous sommes au matin, c’est l’heure au tout mortel doit manger.

TOXILE. Il est encore trop tôt.

SATURION. Ce que l’on commence de bon matin tourne à bien pour tout le reste du jour.

TOXILE. Çà, prête-moi l’oreille : je t’ai déjà parlé de cela hier, je t’ai prié de me prêter six cents pièces.

SATURION. Je sais, je me souviens ; vous me les avez demandées, mais je ne les avais pas. Ce n’est pas grand’chose qu’un parasite oui a de l’argent chez lui. Il lui prend tout à coup fantaisie de faire festin, de se remplir à ses frais, s’il a de quoi. Un bon parasite doit être de la famille des cyniques : une bouteille, une brosse, une tasse, des souliers, un manteau, une boum avec quelque misère dedans pour faire aller son petit ménage, voilà tout ce qu’il lui faut.

TOXILE. Je renonce à l’argent, prête-moi ta fille.

SATURION. Oh ! pour cela, je ne l’ai encore prêtée à personne.

TOXILE. Ce n’est pas pour ce que tu as l’air de croire.

SATURION. Qu’en voulez-vous faire ?

TOXILE. Je vais te dire. Elle est gentille, distinguée.

SATURION. C’est vrai.

TOXILE. Notre marchand d’esclaves ne connaît ni ta fille ni toi.

  1. Satur, qui est rassasié ; esurire, avoir faim.