Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 2.djvu/186

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ma jeunesse je donne de bons conseils à mon père. Nos ennemis sont loin de raconter les choses comme elles sont.

SATURION. Qu’ils racontent, et qu’ils aillent se faire pendre. Je me soucie de tous les ennemis de la terre comme d’une table qu’on me servirait vide.

LA JEUNE FILLE. Mon père, le déshonneur en ce monde est immortel ; il vit toujours alors même qu’on le croit mort.

SATURION. Ah çà, as-tu peur que je ne te vende ?

LA JEUNE FILLE. Je n’en ai pas peur, mon père, mais je ne veux même pas que vous en ayez l’air.

SATURION. Tu as beau ne pas vouloir. Les choses iront à mes flûtes plutôt qu’aux tiennes.

LA JEUNE FILLE. Soit.

SATURION. Qu’est-ce que cela veut dire ?

LA JEUNE FILLE. Pensez à ce qu’on dit : mon père, un maître menace de fustiger son esclave, cela ne se fera pas, mais quand il voit prendre les verges, quand il met bas sa tunique, combien le pauvre homme n’a-t-il pas de chagrin ! Eh bien, moi aussi, à présent, je crains un malheur qui pourtant n’arrivera pas.

SATURION. Fille ou femme qui a plus d’esprit que cela ne convient à ses parents, ne sera jamais qu’une méchante bête.

LA JEUNE FILLE. Fille ou femme qui se tait quand elle voit faire le mal, ne sera jamais qu’une méchante bête.

SATURION. Prends garde à toi !

LA JEUNE FILLE. Mais si vous ne m’en laissez pas la liberté, que puis-je faire ? c’est à vous que je voudrais prendre garde.

SATURION. Suis-je donc si méchant ?

LA JEUNE FILLE. Non, et il ne me conviendrait pas de le dire ; mais je ne veux pas que d’autres, qui ont la liberté de leur langue, puissent le dire.

SATURION. Qu’on chante ce qu’on voudra : mon parti est pris, je n’en démordrai pas.

LA JEUNE FILLE. Si j’étais la maîtresse, vous agiriez en homme sage, et non en insensé.

SATURION. Cela me plaît ainsi.

LA JEUNE FILLE. Je sais bien que je dois consentir à ce que cela vous plaise ; mais si j’y pouvais quelque chose, il me plairait que cela ne vous plût pas.

SATURION. Obéiras-tu, ou non, à ton père ?

LA JEUNE FILLE. J’obéirai.

SATURION. Tu sais ce que je t’ai recommandé ?

LA JEUNE FILLE, Oui, tout.