Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 2.djvu/196

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bien vite. (A part.) J’avais grand’peur qu’elle ne se trompât, mais elle s’en est tirée.

DORDALE. Si je vous achète, j’espère que pour moi aussi vous serez Lucris.

TOXILE. Si tu l’achètes, je crois bien, ma foi, que tu ne la garderas pas jusqu’à la fin du mois courant.

DORDALE. Par Hercule, c’est ce que je désire.

TOXILE. Pour que ton désir se change en réalité, aide-toi toi-même. (A part.) Elle n’a pas encore manqué d’une syllabe.

DORDALE. Où êtes-vous née ?

LA JEUNE FILLE. Dans la cuisine, à ce que m’a dit ma mère, dans le coin à gauche.

TOXILE. Ce sera une bénédiction pour toi qu’une fille pareille : elle est née dans un endroit chaud, où il y a d’ordinaire abondance de biens. (A part.) Notre homme est touché. Il lui demande de dire où elle est née, elle s’est joliment moquée de lui.

DORDALE. Mais ce que je vous demande, c’est le nom de votre patrie.

LA JEUNE FILLE. En ai-je une autre que le lieu où je me trouve ?

DORDALE. Je veux dire quel était autrefois votre pays.

LA JEUNE FILLE. Je compte pour rien ce qui était quand cela n’est plus : lorsqu’un homme a rendu le souffle, à quoi bon demander qui il était ?

TOXILE. Par les dieux, sage réponse ! je suis tout attendri.

DORDALE. Mais enfin, jeune fille, quelle est votre patrie ? Allons, répondez vite : eh bien, vous vous taisez ?

LA JEUNE FILLE. Je vous l’ai dit : puisque je suis esclave ici, c’est ici qu’est ma patrie.

TOXILE. Assez de questions là-dessus. Ne vois-tu pas qu’elle ne veut pas le dire ? Elle craint que tu ne la fasses ressouvenir de ses malheurs.

DORDALE. Comment ? son père a-t-il été fait prisonnier ?

LA JEUNE FILLE. Non, mais il a perdu ce qu’il possédait.

TOXILE. Elle doit être de bonne maison ; elle ne sait dire que la vérité.

DORDALE. Qui était-il ? dites-moi son nom.

LA JEUNE FILLE. Pourquoi parler de ce qu’était le malheureux ? Malheureux est le nom qui lui convient maintenant, et à moi celui de malheureuse.