DORDALE. Comment le regardait-on dans sa ville ?
LA JEUNE FILLE. Nul n’était mieux vu que lui ; esclaves et hommes libres, tout le monde l’aimait.
TOXILE. Vous parlez là d’un homme bien malheureux, puisqu’il est à peu près perdu, et qu’il a perdu ses amis.
DORDALE. Je l’achèterai, je pense.
TOXILE. Comment, encore je pense ?
DORDALE. Je la crois d’une excellente famille.
TOXILE. Ce sera de l’or en barre.
DORDALE. Plaise aux dieux !
TOXILE. Achète seulement.
LA JEUNE FILLE. Voici ce que je peux vous dire : dès que mon père apprendra qu’on m’a vendue, il sera bien vite ici pour racheter la fille qu’on lui a ravie.
TOXILE, à Dordale. Eh bien ?
DORDALE. Qu’est-ce ?
TOXILE. L’entendez-vous ?
LA JEUNE FILLE. Il a beau être ruiné, on a des amis.
DORDALE. Ne pleurez pas, vous serez bientôt libre, si vous faites souvent la culbute. Voulez-vous m’appartenir ?
LA JEUNE FILLE. Pourvu que ce ne soit pas pour trop longtemps, je le veux bien.
TOXILE. Comme elle chérit la liberté ! Elle te procurera de gros bénéfices. Allons, si tu veux faire quelque chose, (montrant Sagaristion) je retourne auprès de celui-ci. (A la jeune fille.) Venez avec moi. (A Dordale.) Je vais te la ramener.
DORDALE, à Sagaristion. Çà, brave homme, voulez-vous la vendre ?
SAGARISTION. J’en ai plus envie que de la perdre.
TOXILE. Alors, pas tant de paroles : dites pour combien vous la donnez.
SAGARISTION. Je ferai ce que vous souhaitez. (A Dordale.) Pour vous décider, vous l’aurez pour cent mines.
DORDALE. C’est trop.
SAGARISTION. Pour quatre-vingts.
DORDALE. C’est trop.
SAGARISTION. Eh bien, je vais vous dire, mais je ne rabattrai pas une obole.
DORDALE. Voyons, faites vite votre prix.
SAGARISTION. Je vous la laisse, à vos risques et périls, pour soixante mines.
DORDALE. Toxile, que faut-il faire ?