Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 2.djvu/21

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bouge, si je sens la coupure, Lysimaque, je consens à recevoir vos accolades jusqu’à rester sur place.

LYSIMAQUE. Si l’on a jamais vu un amoureux en peinture, le voilà bien. A mon sens, un vieux bonhomme décrépit ne vaut pas mieux qu’une figure accrochée à la muraille.

DÉMIPHON. Il semble que vous vouliez me faire de la morale.

LYSIMAQUE. Moi ?

DÉMIPHON. Il n’y a pas de quoi m’en vouloir : assez de gens comme il faut ont fait comme moi. Il est naturel d’aimer, naturel aussi de pardonner. De grâce, ne me grondez pas ; ma volonté n’y est pour rien.

LYSIMAQUE. Eh mais, je ne vous gronde pas non plus.

DÉMIPHON. N’ayez pas pour cela moins bonne opinion de moi.

LYSIMAQUE. Par exemple ! les dieux m’en préservent.

DÉMIPHON. Réfléchissez encore.

LYSIMAQUE. J’ai réfléchi.

DÉMIPHON. Vraiment ?

LYSIMAQUE. Vous m’ennuyez. L’amour lui tourne la tête. Que voulez-vous encore ?

DÉMIPHON. Bonjour.

LYSIMAQUE. Je cours au port, où j’ai une affaire.

DÉMIPHON. Bon voyage.

LYSIMAQUE. Bonne santé. (Il sort.)

DÉMIPHON. Bonne chance. Mais j’ai aussi affaire au port, et je m’y rends de ce pas… Ah ! mon fils arrive à propos ; je veux l’attendre ; j’ai besoin de le voir ; je ferai mon possible pour le décider à me vendre la fillette, au lieu d’en faire cadeau à sa mère, car, à ce qu’on m’a dit, il l’a amenée pour la lui donner. Mais prenons bien garde qu’il ne s’aperçoive que j’en tiens.


SCÈNE III. — CHARINUS, DÉMIPHON.


CHARINUS, sans voir son père. Il n’y a pas, je pense, d’homme plus malheureux que moi, ni que le guignon poursuive plus obstinément. Est-ce donc assez que j’entreprenne une chose pour que le succès ne réponde pas à mes désirs ? Il me survient toujours quelque mésaventure qui déconcerte mes meilleurs plans. Malheureux, j’achète une maîtresse pour me donner du bon temps ; je croyais pouvoir la posséder à l’insu de mon père. Il l’apprend, il la voit, et je suis perdu. Je n’ai pas encore décidé ce que je répondrai à ses questions ; j’ai dans le cœur mille pensées différentes qui se combattent. Je ne sais à quoi m’arrêter,