Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 2.djvu/20

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DÉMIPHON. Je vous le conterai si je vois que vous ayez le loisir de m’entendre.

LYSIMAQUE. Quoique j’aie affaire, Démiphon, si vous voulez me parler, je ne suis jamais tellement occupé que je ne puisse écouter un ami.

DÉMIPHON. Vous vous vantez d’une bienveillance que je connais. Quel âge me donnez-vous ?

LYSIMAQUE. Le bon âge pour l’Achéron ; vous êtes vieux, cassé, décrépit.

DÉMIPHON. Vous voyez mal. Je suis un enfant, Lysimaque, un enfant de sept ans.

LYSIMAQUE. Êtes-vous fou de vous donner pour un enfant ?

DÉMIPHON. Je dis la vérité.

LYSIMAQUE. Ah ! je comprends ce que vous vouliez dire : dès qu’on est vieux, on n’a plus ni sens ni raison, on retombe, dit-on, dans l’enfance.

DÉMIPHON. Point ; je me porte deux fois mieux que je ne me portais.

LYSIMAQUE. Tant mieux, ma foi, j’en suis bien aise.

DÉMIPHON. Si vous saviez ! j’ai aussi de bien meilleurs yeux qu’autrefois.

LYSIMAQUE. A merveille.

DÉMIPHON. Pour mon malheur.

LYSIMAQUE. Tant pis alors.

DÉMIPHON. Mais puis-je vous parler franchement ?

LYSIMAQUE. Parlez hardiment.

DÉMIPHON. Faites attention.

LYSIMAQUE. Je suis tout oreilles.

DÉMIPHON. Aujourd’hui, Lysimaque, j’ai commencé à aller à l’école. Je sais déjà trois lettres.

LYSIMAQUE. Comment, trois lettres ?

DÉMIPHON. A-m-o[1].

LYSIMAQUE. Eh quoi ! vieux gaillard, vous aimez avec des cheveux blancs ?

DÉMIPHON. Blancs, roux ou noirs, j’aime.

LYSIMAQUE. Démiphon, vous vous moquez de moi, je pense.

DÉMIPHON. Je vous donne ma tête à couper si je mens. Tenez, pour vous faire bien voir que je suis amoureux, prenez un couteau, et coupez-moi un doigt. une oreille, le nez. la lèvre. Si je

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