Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 2.djvu/215

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avoir des enfants, mais qui détestait les femmes. Le bonhomme, qui ne se doute de rien, achète ainsi l’enfant de son hôte, l’adopte, et en mourant le fait son héritier. Le jeune homme demeure dans cette maison-là.

A présent je retourne à Carthage ; avez-vous des affaires, des commissions ? soit ; mais si l’on ne me donne de l’argent, ce sera comme si l’on chantait ; si l’on m’en donne, ce sera bien pis[1]. L’oncle du jeune homme, le vieillard carthaginois qui est encore de ce monde, avait deux filles ; on les lui enlève toutes deux de sa maison avec leur nourrice : l’une avant cinq ans, et l’autre quatre. Le ravisseur les amène dans Anactorium, les vend toutes trois, petites filles et nourrice, argent comptant, à un homme (si toutefois un marchand d’esclaves est un homme), le coquin le plus achevé que la terre ait porté. Au reste, jugez vous-mêmes de 6e que peut être un drôle à qui l’on a donné le nom de Lycus[2]. D’Anactorium, où il avait auparavant sa demeure, il est venu s’établir à Calydon il n’y a pas longtemps, pour faire son commerce : il reste dans cette maison-ci. Le jeune homme est éperdument amoureux de l’une des jeunes filles. Il ne se doute pas que c’est sa parente, il ignore qui elle est et ne l’a jamais touchée, tant le marchand le fait languir. Non, jamais la moindre caresse, la plus petite faveur ; Je coquin n’a rien voulu permettre ; il le voit bien amoureux et veut en faire sa vache à lait. Quant à la plus jeune, un militaire, qui en tient pour elle, veut l’acheter et l’avoir pour maîtresse. Mais le père carthaginois, depuis qu’il les a perdues, court après elles de tous côtés, sur terre et sur mer. Sitôt qu'il arrive dans une ville, vite il passe en revue toutes les maisons de courtisanes ; il donne de l’argent, il paye une nuit ; puis il fait toutes ses questions : d’où est-elle ? de quel pays ? est-ce une prisonnière ou une fille enlevée ? quelle est sa famille ? comment s’appellent ses parents ? C’est ainsi qu’il met toute son adresse et toute son habileté à chercher ses filles. Il sait toutes les langues, mais il a l’air de ne les pas savoir : c’est un vrai Carthaginois. Bref, hier soir un vaisseau l’a amené dans ce port. Le père de ces fillettes est en même temps l’oncle du jeune homme. Tenez-vous le fil ? si vous le tenez, tirez-le, mais prenez garde de le casser ; de grâce, laissez-le dévider… Ah ! j’allais oublier de vous dire le reste. Celui qui a adopté le jeune homme pour son fils, était

  1. Parce qu'il le gardera et ne fera pas les commissions.
  2. Le loup.