AGORASTOCLÈS. Pour quoi faire ?
ADELPHASIE. Pour adoucir la déesse.
AGORASTOCLÈS. Elle est donc fâchée ? Non ma foi, vous êtes dans ses bonnes grâces ; je réponds d’elle.
ADELPHASIE. Eh mais, pourquoi donc venez-vous m’ennuyer ?
AGORASTOCLÈS. O la sauvage !
ADELPHASIE. Laissez-moi, je vous prie.
AGORASTOCLÈS. Qu’est-ce qui vous presse ? il y a foule maintenant.
ADELPHASIE. Je le sais bien ; mais je veux voir les autres et me faire voir.
AGORASTOCLÈS. Voir la laideur et montrer la beauté, quelle fantaisie !
ADELPHASIE. C’est aujourd’hui que se tient chez Vénus le marché des courtisanes. Les acheteurs y affluent : je veux m’y montrer.
AGORASTOCLÈS. Pour la mauvaise marchandise il faut aller chercher les acheteurs ; mais la bonne trouve aisément des chalands, quand même on la cacherait. Dites-moi, quand viendrez-vous chez moi unir nos bouches et nos corps ?
ADELPHASIE. Le jour où Platon lâchera les morts de l’Achéron.
AGORASTOCLÈS. J’ai à la maison je ne sais combien de pièces d’or qui ne demandent qu’à sauter.
ADELPHASIE. Apportez-les-moi, j’aurai bientôt fait de les calmer.
MILPHION. Charmante en vérité !
AGORASTOCLÈS. Que la peste te serre, butor !
MILPHION. Plus je la regarde, plus elle me fait l’effet d’une vapeur, d’une chimère.
ADELPHASIE, à Agorastoclès. Ne me parlez plus : cela m’ennuie.
AGORASTOCLÈS. Tenez, relevez ce pan qui traîne.
ADELPHASIE. Je suis pure ; ne venez pas me toucher, je vous prie.
AGORASTOCLÈS. Que faire ?
ADELPHASIE. Soyez sage ; ne vous occupez pas de moi, épargnez vos peines.
AGORASTOCLÈS. Moi, ne pas m’occuper de vous… Eh bien, Milphion ?
MILPHION. Encore ma bête noire ! que me voulez-vous ?
AGORASTOCLÈS. Pourquoi est-elle en colère contre moi ?
MILPHION. Pourquoi elle est en colère contre vous ? Qu’est-ce que cela me fait ? c’est plutôt vous que cela regarde.