Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 2.djvu/234

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LYCUS. Puissiez-vous être heureux tous ! mais je suis bien sûr que cela ne sera point, que la fortune ne le permettra pas.

UN TÉMOIN. Les sots ont dans la bouche un trésor dont ils croient jouir en lançant de méchantes paroles à de meilleurs qu’eux.

LYCUS. Quand on ne sait pas le chemin qui mène à la mer, il faut aller de compagnie avec un fleuve. Je ne connaissais pas le, chemin des méchantes paroles ; vous êtes mes fleuves, je veux vous suivre. Si vous me dites de bonnes paroles, j’irai le long de votre rive ; si vous m’injuriez, je suivrai la même pente que vous.

UN TÉMOIN. Faire du bien à un méchant, faire du mal à un bon, c’est bonnet blanc et blanc bonnet.

LYCUS. Comment cela ?

UN TÉMOIN. Tu vas le savoir. Faites du bien à un méchant, c’est bienfait perdu ; faites du mal à un bon, il vous en cuit toute la vie.

LYCUS. C’est fort spirituel ; mais en quoi cela me regarde-t-il ?

UN TÉMOIN. Nous venons ici pour t’obliger, quoique nous n’ayons pas un intérêt bien tendre pour ceux de ta sorte.

LYCUS. Si vous m’apportez quelque chose de bon, je vous suis reconnaissant.

UN TÉMOIN. Nous ne t’apportons, nous ne te donnons, nous ne te promettons, nous ne voulons même te donner rien du nôtre.

LYCUS. Je vous crois sans peine, ma foi ; je reconnais là votre bonté. Enfin que voulez-vous ?

UN TÉMOIN, montrant Collybiscus. Cet homme en chlamyde que tu vois là, est détesté de Mars[1].

COLLYBISCUS. C’est bien plutôt vous.

UN TÉMOIN. Nous te l’amenons, Lycus, pour que tu le mettes en pièces.

COLLYBISCUS, à part. Le chasseur que voici rapportera le gibier chez lui. Ces chiens poussent comme il faut le Loup dans les toiles.

LYCUS. Qui est-ce ?

UN TÉMOIN. Nous n’en savons rien ; ce matin, en nous rendant au port, nous l’avons vu descendre d’un vaisseau marchand. Il s’avance tout d’abord vers nous et nous salue, nous rendons la politesse.

COLLYBISCUS, à part. Les malins drôles ! comme ils arrangent joliment la fable !

  1. Lycus signifie loup en grec ; comme c’était Mars qui envoyait les loups : on disait que ce dieu était irrité contre les bergers dont les loups mangeaient les brebis.