Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 2.djvu/334

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pélisca. Mais je suis très-curieux de savoir quel danger vous avez couru.

AMPÉLISCA. Cette nuit, mon cher Trachalion, notre vaisseau s’est perdu.

TRACHALION. Comment, votre vaisseau ? quelle histoire est-ce là ?

AMPÉLISCA. N’as-tu donc pas entendu dire comment notre maître a voulu nous emmener subitement en Sicile, et a mis sur un bâtiment tout ce qu’il avait chez lui ? Eh bien, tout a péri.

TRACHALION. O aimable Neptune ! je te salue. Il n’y a pas de joueur plus habile que toi ; tu as fait un trop joli coup en ruinant ce coquin. Mais où est Labrax à cette heure ?

AMPÉLISCA. Il est mort pour avoir trop bu, je pense. Neptune l’a abreuvé cette nuit à une vaste coupe.

TRACHALION. Je crois, ma foi, qu’il a été forcé d’en avaler plus qu’il n’en voulait. Mais que vous me faites plaisir, ma chère Ampélisca ! que vous êtes ravissante ! vos paroles sont plus douces que miel. Palestra et vous, comment vous êtes-vous sauvées ?

AMPÉLISCA. Je vais te l’apprendre. Nous sautons toutes tremblantes du vaisseau dans la chaloupe ; comme nous voyons que le bâtiment est porté sur les rochers, je me hâte de détacher le câble, tandis que notre monde est dans l’effroi ; la tempête nous entraîne à droite, bien loin d’eux, avec la chaloupe. Le vent et la vague nous ont ballottées affreusement toute la nuit, pauvres malheureuses, et aujourd’hui enfin, à grand’peine, la brise nous a poussées sur le rivage, à demi mortes.

TRACHALION. Je sais, Neptune n’en fait pas d’autres ; c’est le plus rigoureux des édiles : s’il se trouve de mauvaises marchandises, il les jette.

AMPÉLISCA. La peste te serre !

TRACHALION. Vous, ma chère Ampélisca. Je savais bien que le drôle ferait ce qu’il vient de faire : je l’ai prédit cent fois. Je vais donc laisser pousser mes cheveux, ce sera pour le mieux, et me mettre devin.

AMPÉLISCA. Vous avez bien pris vos précautions, ton maître et toi, pour l’empêcher de partir, puisque vous le saviez !

TRACHALION. Que pouvait-il faire ?

AMPÉLISCA. S’il était amoureux, tu demandes ce qu’il pouvait faire ? Veiller jour et nuit, être sans cesse aux aguets. Après tout, ma foi, il a fait comme tant d’autres, il a pris beaucoup de soin !