TRACHALION. J’en conviens, je suis un triple pendard, et toi la crème des honnêtes gens. Est-ce une raison pour qu’elles ne soient pas libres ?
LABRAX. Libres ?
TRACHALION. Et toi leur esclave, ma foi, car elles sont de pure race grecque : (montrant Palestra) oui, celle-ci est née dans Athènes, d’une bonne famille.
DÉMONÈS. Qu’entends-je ?
TRACHALION. Qu’elle est née à Athènes, et libre.
DÉMONÈS. Quoi ! c’est ma compatriote ?
TRACHALION. Vous n’êtes donc pas de Cyrène ?
DÉMONÈS. Eh non, je suis né, j’ai été nourri et élev6 dans Athènes, en Attique.
TRACHALION. De grâce, défendez vos concitoyennes, vieillard.
DÉMONÈS. O ma fille ! (Montrant Palestra.) Quand je la vois, toi que j’ai perdue tu viens me rappeler mes malheurs. Celle qu’on m’a enlevée à l’âge de trois ans, elle doit être aussi grande que celle-ci, si elle est encore au monde.
LABRAX. Je les ai payées toutes les deux au maître à qui elles appartenaient. Qu’est-ce que cela me fait qu’elles soient d’Athènes ou de Thèbes, pourvu qu’elles soient à moi légitimement ?
TRACHALION. Comment ! effronté, ravisseur de jeunes filles, tu posséderas ici des enfants libres ravis à leurs parents, et tu les flétriras dans un infâme métier ? Assurément j’ignore quelle est la patrie de l’autre ; mais ce que je sais, c’est qu’elle est plus honnête que toi, coquin !
LABRAX. Sont-elles à toi ?
TRACHALION. Voyons donc lequel de nos deux dos mérite plus de créance. Si le tien n’a pas plus de marques d’étrivières qu’il n’y a de clous dans un vaisseau long, je serai le plus menteur des hommes ; tu m’examineras à ton tour, quand je t’aurai passé en visite, et si ma peau n’est pas tellement fraîche qu’un fabricant de gourdes la trouve excellente pour son usage… n’aurai-je pas le droit de te déchirer de verges jusqu’à satiété ?… Pourquoi les regardes-tu ? si tu les touches, je t’arrache les yeux.
LABRAX. Eh bien, puisque tu me le défends, je les emmène sur l’heure toutes les deux.
DÉMONÈS. Comment feras-tu ?
LABRAX. J’amènerai Vulcain, c’est l’ennemi de Vénus.
DÉMONÈS. Où va-t-il ?