MÉGARONIDE. Je suis content, ma foi, qu’elle soit toujours en vie et en santé.
CALLICLÈS. Je crois que vous êtes content, ma foi, si quelque chose ne va pas comme je veux.
MÉGARONIDE. Je souhaite à mes amis tout ce que j’ai moi-même.
CALLICLÈS. Et votre femme, à vous ?
MÉGARONIDE. Elle est immortelle ; elle vit et vivra encore.
CALLICLÈS. Bonne nouvelle, ma foi, et je prie les dieux de faire qu’elle vous survive.
MÉGARONIDE. Si elle était mariée avec vous, ma foi, je le voudrais de grand cœur.
CALLICLÈS. Voulez-vous changer ? je prendrai la vôtre et vous la mienne. Je vous ferai voir que vous ne m’aurez nullement attrapé.
MÉGARONIDE. Ce sera peut-être vous, je crois, qui m’aurez surpris.
CALLICLÈS. Oh ! par ma foi, vous verriez bien que vous ne sauriez pas ce que vous feriez.
MÉGARONIDE. Gardez votre emplette ; de tous les maux, le meilleur est celui que l’on connaît. Si je prenais une femme que je ne connaisse point, c’est alors que je ne saurais pas ce que je ferais. Par Pollux, tant qu’on vit bien, la vie dure. Mais écoutez-moi, et mettez de côté les plaisanteries. C’est avec intention que je suis venu vous trouver.
CALLICLÈS. Dans quel but ?
MÉGARONIDE. Pour vous gourmander bel et bien.
CALLICLÈS. Moi ?
MÉGARONIDE. Y a-t-il donc ici quelqu’un d’autre que vous et moi ?
CALLICLÈS. Personne.
MÉGARONIDE. Alors pourquoi demander si c’est à vous que j’en ai ? à moins que vous ne pensiez que je veux me chanter pouille à moi-même. Car enfin, si vos anciens principes sont malades, si vous voulez accommoder votre nature aux mœurs d’aujourd’hui, ou si les mœurs d’aujourd’hui changent votre nature, si vous ne gardez pas les allures d’autrefois et que vous preniez les nouvelles, vous ferez bien du mal à tous vos amis, ils souffriront de vous voir et de vous entendre.
CALLICLÈS. Quelle mouche vous pique pour me parler ainsi ?
MÉGARONIDE. Toute personne de bien, homme ou femme, doit avoir à cœur d’éloigner de soi le soupçon et la faute.