Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 2.djvu/424

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dans l’adolescence, j’ai été plein de soumission à vos ordres et à vos conseils, mon père. Dans mon esprit, je me suis considéré comme libre ; mais par mon obéissance, je vous appartiens ; je me suis fait un devoir d’asservir ma volonté à la vôtre.

PHILTON. Quand, au début de la vie, on lutte avec soi-même pour savoir si l’on se conduira d’après ses instincts, ou si l’on se réglera sur les désirs de ses parents et de sa famille, la passion l’emporte-t-elle, c’en est fait, on obéit à la passion, on perd son libre arbitre ; si au contraire on en triomphe, on garde toute la vie cette gloire d’être le vainqueur des vainqueurs. Si tu as vaincu tes passions au lieu de te laisser vaincre par elles, tu as le droit de te réjouir. Il vaut bien mieux être ce que tu dois que ce que veut la passion. Ceux qui viennent à bout de leurs penchants auront toujours meilleure renommée que ceux qui succombent.

LYSITÉLÈS. Ces préceptes m’ont toujours servi de sauvegarde ; j’ai su ne jamais entrer où je devais trouver une société de dissipateurs, ne pas aller rôder la nuit, ne pas faire tort à autrui de ce qui lui appartient ; j’ai mis tous mes soins, mon père, à ne vous causer aucun chagrin ; j’ai eu la sagesse de me renfermer toujours étroitement dans vos leçons.

PHILTON. Me le reproches-tu ? ce que tu as fait de bien, c’est à toi que tu l’as fait, et pas à moi. Ma vie touche à son terme, c’est toi que cela intéresse. L’honnête homme est celui qui regrette de ne pas être encore assez honnête, assez sage. Quand on est content de soi, on n’a ni honnêteté, ni sagesse. Recouvre tes vertus de vertus nouvelles, pour que le mal ne puisse s’infiltrer en toi. Être mécontent de soi, c’est la marque d’une nature généreuse.

LYSITÉLÈS. Ce que je vous en ai dit, mon père, c’est qu’il y a une grâce que je voudrais obtenir de vous.

PHILTON. Qu’est-ce ? je suis tout disposé à te l’accorder.

LYSITÉLÈS. Il y a ici un jeune homme d’une excellente famille, un ami de mon âge, qui a usé de son bien à l’étourdie, sans trop réfléchir. Je voudrais lui rendre service, mon père, si vous y consentez.

PHILTON. Avec ton argent, je pense ?

LYSITÉLÈS. Oui, avec mon argent, car ce qui est à vous est à moi, et tout ce que j’ai vous appartient.

PHILTON. Il est donc dans le besoin ?

LYSITÉLÈS. Oui.

PHILTON. Et il avait de la fortune ?