Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 2.djvu/425

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LYSITÉLÈS. Oui.

PHILTON. Comment l’a-t-il perdue ? est-il entré dans les fermes de l’État ou dans le négoce maritime ? est-ce dans le commerce ou dans le trafic des esclaves qu’il s’est ruiné ?

LYSITÉLÈS. Rien de tout cela.

PHILTON. Qu’est-ce donc ?

LYSITÉLÈS. Ma foi, c’est excès de bonté, mon père. Avec cela il a dépensé un peu en plaisirs, pour se donner du bon temps.

PHILTON. Peste ! Voilà un garçon défendu avec bien de la chaleur. Un homme qui n’a pas perdu honorablement son bien, et qui est dans la misère ! je ne me soucie pas de te voir un ami pareil avec de si belles qualités.

LYSITÉLÈS. C’est parce qu’il n’est pas vicieux que je voudrais venir en aide à sa détresse.

PHILTON. C’est rendre mauvais service à un gueux que de lui donner de quoi manger et de quoi boire. On perd ce qu’on donne et on prolonge une existence misérable. Ce n’est pas que je me refuse à ce que tu veux, je le ferai de bon cœur ; mais en te parlant, ainsi à propos d’un inconnu, c’est un avertissement que je te donne : aie pitié des autres, soit, mais arrange-toi pour ne pas faire pitié à ton tour.

LYSITÉLÈS. J’aurais honte de l’abandonner, de ne plus lui tendre la main dans sa disgrâce.

PHILTON. Mieux vaut honte que regret.

LYSITÉLÈS. Ma foi, je peux le dire, grâce aux dieux et à nos ancêtres, et à vous, mon père, nous avons de grands biens honnêtement acquis. Si vous obligez mon ami, faites-le sans regret, vous regretteriez plutôt de ne l’avoir pas fait.

PHILTON. Si d’une grosse somme on ôte quelque chose, a-t-on plus ou moins ?

LYSITÉLÈS. Moins, mon père ; mais savez-vous ce que l’on corne à un bourgeois qui n’est pas généreux ? « Puisses-tu n’avoir plus le bien que tu as, et avoir le mal que tu n’as pas, puisque tu ne peux te résigner ni à jouir, ni à faire jouir les autres !  »

PHILTON. Je connais cette rengaine ; mais, mon fils, on met au rancart le citoyen qui n’a plus de quoi faire face aux charges.

LYSITÉLÈS. Par la bonté des dieux, nous avons assez pour vivre, mon père, et pour obliger nos amis.

PHILTON. Je ne peux, ma foi, te refuser rien de ce que tu dé-