poids auprès des étrangers, il ne faut pas être si léger avec les siens. Ce que j’ai dit, je le ferai ; ne te tourmente pas plus longtemps.
LYSITÉLÈS. Il vaut donc mieux que pour ta sœur tu restes dans la misère, et que moi je possède cette campagne qui te permettrait de soutenir ton rang ?
LESBONICUS. Ne te préoccupe pas tant de soulager ma détresse, mais de ne pas déshonorer ma pauvreté. Je ne veux pas qu’on dise partout qu’en te donnant ma sœur sans dot, j’en ai fait ta concubine plutôt que ta femme. Y aurait-il pire réputation que la mienne ? Ces propos-là seraient à ton avantage, mais ils me couvriraient d’opprobre si ta femme n’avait point de dot, et les reproches qu’on m’adresserait seraient pour toi autant de louanges.
LYSITÉLÈS. Penses-tu donc que tu seras dictateur, parce que j’aurai accepté ta campagne ?
LESBONICUS. Je ne le demande pas, je n’y prétends pas, je ne le crois pas ; mais le véritable honneur, pour un cœur bien placé, c’est de ne pas oublier son devoir.
LYSITÉLÈS. Je sais tes sentiments ; je les vois, je m’en doute, je les sens. Tu veux, quand nous aurons conclu notre alliance, que tu m’auras donné cette campagne, et qu’il ne te restera rien pour vivre ici, sortir sans ressources de cette ville, abandonner pour l’exil ta patrie, tes parents, tes alliés, tes amis, la noce une fois faite ; et cela pour qu’on dise que c’est moi, que c’est mon avarice qui t’a chassé d’ici. Mais ne t’imagine pas que je vais m’y prêter.
STASIME. Ah ! je n’y tiens plus, il faut que j’éclate : bravo, bravo, Lysitélès ! bis ! Vous avez la palme sans conteste ; il est vaincu ; votre comédie remporte le prix. (A Lesbonicus.) Il est mieux dans la situation et ses vers sont meilleurs. Quoi ! vous voulez défendre encore votre sottise ? craignez de vous faire mettre à l’amende.
LESBONICUS. Tu oses nous interrompre, te mêler à notre conversation ?
STASIME. Comme je suis venu je m’en irai.
LESBONICUS. Accompagne-moi à la maison, Lysitélès ; nous causerons plus au long de notre affaire.
LYSITÉLÈS. Je n’y vais jamais par quatre chemins ; je te dirai tout net ce que je pense. Si tu me donnes ta sœur sans dot, comme je le crois convenable, et que tu ne t’en ailles pas d’ici, ce que j’aurai sera à toi ; si tu es dans d’autres sentiments,