LE SYCOPHANTE. Hon ! ce doit être cela. Que les dieux l’exterminent !
CHARMIDE. Je vous le disais tout à l’heure : vous devez souhaiter à un ami du bien plutôt que du mal.
LE SYCOPHANTE. S’est-il tenu caché entre mes dents et mes lèvres, le misérable !
CHARMIDE. N’insultez pas un ami absent.
LE SYCOPHANTE. Pourquoi se cachait-il comme cela, le coquin ?
CHARMIDE. Si vous l’aviez appelé par son nom, il aurait répondu. Mais où est-il ?
LE SYCOPHANTE. Ma foi je l’ai laissé chez Rhadamante, dans l’île de Cécropie.
CHARMIDE, aux spectateurs. Y a-t-il une plus sotte bête que moi, d’aller demander moi-même où je suis ? Mais ce n’est pas hors de saison. (Au sycophante.) Dites-moi.
LE SYCOPHANTE. Qu’y a-t-il ?
CHARMIDE. Répondez : dans quels pays avez-vous voyagé ?
LE SYCOPHANTE. Dans des pays étrangement merveilleux.
CHARMIDE. Nommez-les-moi, si cela ne vous ennuie pas.
LE SYCOPHANTE. Au contraire, je grille de vous les dire. D’abord nous sommes allés dans le Pont, et nous avons pris terre en Arabie.
CHARMIDE. Oh, oh ! l’Arabie est donc dans le Pont ?
LE SYCOPHANTE. Oui ; non pas celle qui produit de l’encens, mais l’Arabie où poussent l’absinthe et l’origan des poules.
CHARMIDE, à part. Voilà un terrible donneur de bourdes ! mais je suis par trop bête aussi d’aller lui demander d’où je reviens, ce que je sais et qu’il ignore. Cependant je veux voir où il en viendra. (Haut.) Quel est votre nom, l’ami ?
LE SYCOPHANTE. Chut ! c’est mon nom de tous les jours.
CHARMIDE. Un plaisant nom, ma foi ! comme qui dirait, si je te prête quelque chose, Chut ! c’est aussitôt perdu. Mais voyons, où êtes-vous allé ensuite ?
LE SYCOPHANTE. Si vous voulez m’écouter, je vous le dirai. A la source d’un fleuve qui sort du ciel, de dessous le trône de Jupiter.
CHARMIDE. De dessous le trône de Jupiter ?
LE SYCOPHANTE. Oui vraiment.
CHARMIDE. Du ciel ?
LE SYCOPHANTE. Et du beau milieu encore.
CHARMIDE. Ah ça, est-ce que vous êtes monté aussi jusqu’au ciel ?