CHARMIDE. Tous les deux, n’est-ce pas ?
STASIME. Tous les deux.
CHARMIDE. Les dieux me comblent de bonheur. Je m’informerai à loisir à la maison de tout ce que je veux savoir encore. Entrons, suis-moi.
STASIME. Où allez-vous ?
CHARMIDE. Où irais-je, si ce n’est chez moi ?
STASIME. Vous croyez que nous demeurons ici ?
CHARMIDE. Et où penserais-je que ce soit.
STASIME. Aujourd’hui…
CHARMIDE. Eh bien, aujourd’hui…
STASIME. Cette maison n’est plus à nous.
CHARMIDE. Que me dis-tu là ?
STASIME. Votre fils l’a vendue.
CHARMIDE. C’est fait de moi !
STASIME. Argent comptant, espèces sonnantes.
CHARMIDE. Combien ?
STASIME. Quarante mines.
CHARMIDE. Je suis mort. Qui l’a achetée ?
STASIME. Calliclès, que vous aviez chargé de vos affaires. Il est venu demeurer ici et nous a mis à la porte.
CHARMIDE. Et où loge mon fils à présent ?
STASIME. Là, dans ce corps de derrière.
CHARMIDE. Ah ! je succombe !
STASIME. J’ai bien pensé que vous auriez du chagrin quand vous l’apprendriez.
CHARMIDE. Malheureux que je suis ! j’ai affronté mille dangers, j’ai risqué mille fois ma vie en traversant de vastes mers, j’ai échappé à je ne sais combien de pirates, j’arrive sain et sauf, et je suis misérablement égorgé ici par ceux-là même pour qui j’ai enduré tant de maux à mon âge. Le chagrin me suffoque : soutiens-moi, Stasime.
STASIME. Voulez-vous que j’aille vous chercher de l’eau ?
CHARMIDE. C’est quand ma fortune expirait qu’il fallait lui en jeter.
SCÈNE IV. — CALLICLÈS, CHARMIDE, STASIME.
CALLICLÈS. Qu’est-ce que ces cris que j’entends devant ma maison ?
CHARMIDE. Ô Calliclès, Calliclès, Calliclès ! à quel ami ai-je confié ma fortune ?