PHRONÉSIE. Eh ! notre cher Géta, comment va ? et la santé ?
GÉTA. Je vais bien, et je viens visiter une malade ; je vous apporte de quoi vous rétablir. Mon maître, la prunelle de vos yeux, m’a dit de venir vous offrir les présents que ceux-ci portent sur leurs épaules, et cinq mines d’argent que voici.
PHRONÉSIE. Par Pollux, je n’ai pas tort de l’aimer si tendrement.
GÉTA. Il vous prie de les recevoir de bonne grâce.
PHRONÉSIE. De bonne grâce et de bon cœur, ma foi. Dis qu’on les rentre à la maison, va, Cyane… N’a-t-on pas entendu mes ordres ?
GÉTA. Qu’ils n’emportent pas les paniers ; je veux les faire sécher.
PHRONÉSIE. Sur mon âme, il est d’une effronterie achevée.
GÉTA. Vraiment, vous m’appelez effronté, vous qui n’êtes qu’un cloaque d’immondices ?
PHRONÉSIE. Ça, je te prie, où est Dinarque ?
GÉTA. A la maison.
PHRONÉSIE. Dis-lui combien je suis reconnaissante des présents qu’il vient de m’envoyer, que je suis pénétrée de considération pour lui, et que je le prie de venir me voir.
GÉTA. Tout de suite… Mais qui est cet homme qui se fait du mauvais sang, l’air maussade, l’œil mauvais ? par ma foi, quel qu’il soit, il a l’âme à l’envers.
PHRONÉSIE. Il le mérite bien.
GÉTA. Comment cela ?
PHRONÉSIE. Tu ne connais donc pas l’homme qui demeurait chez moi ? C’est le père de ce poupon : il a donné pour le nourrir… de quoi faire un déjeuner ; j’ai été patiente, obéissante, pleine d’égards.
GÉTA. Quoi ! c’est là ce pauvre hère ? je ne connais que lui.
PHRONÉSIE. C’est lui-même.
GÉTA. Il me regarde en gémissant ; quel soupir il vient de tirer de ses talons ! Regardez donc, il grince des dents, il se tape la cuisse. Est-il devin, qu’il se frappe lui-même ?
STRATOPHANE. Ah ! je laisserai enfin éclater la violence et la colère qui me gonflent le cœur. (A Géta.) Parle : d’où es-tu ? qui est ton maître ? qui t’a donné l’audace de m’insulter ?
GÉTA. C’est mon bon plaisir.
STRATOPHANE. C’est ainsi qu’on me répond ?
GÉTA. Oui, et je me soucie de vous comme de cela.