SCÉLÈDRE. Ce qui n’est pas ?
PALESTRION. Je ne donnerais pas une noix de ta peau.
SCÉLÈDRE. Mais qu’est-ce donc ?
PALESTRION. Qu’est-ce ? tu le demandes ?
SCÉLÈDRE. Et pourquoi pas ?
PALESTRION. Ne feras-tu pas couper cette langue babillarde ?
SCÉLÈDRE. Pour quelle raison ?
PALESTRION. Philocomasie est chez nous, et tu disais que tu venais de la voir ici à côté dans les bras d’un autre homme.
SCÉLÈDRE. Je m’étonne que tu vives d’ivraie, quand le blé est à si bon compte.
PALESTRION. Que signifie ?
SCÉLÈDRE. Tu as la berlue.
PALESTRION. Par Pollux, tu es aveugle, mon pendard, tu n’as pas seulement la berlue : elle est chez nous, te dis-je.
SCÉLÈDRE. Chez nous ?
PALESTRION. Par Hercule, oui, chez nous.
SCÉLÈDRE. Va, tu te joues de moi.
PALESTRION. C’est donc cela que j’ai les mains si sales.
SCÉLÈDRE. Comment ?
PALESTRION. Puisque je joue avec de la boue.
SCÉLÈDRE. Gare à ta tête !
PALESTRION. Gare à la tienne plutôt, si tu ne prends d’autres yeux et une autre langue ! Mais notre porte crie.
SCÉLÈDRE. Et moi j’ai l’œil sur cette porte-ci. Car elle ne peut pas venir de là chez nous sans passer par la grande entrée.
PALESTRION. Mais puisqu’elle est à la maison ! Je voudrais bien savoir, Scélèdre, quel démon te poursuit.
SCÉLÈDRE. J’ai des yeux pour moi, du bon sens pour moi, et je m’en rapporte à moi plutôt qu’aux autres ; personne au monde ne me fera croire qu’elle n’est pas dans cette maison-là : je monterai donc la garde, pour qu’elle ne puisse se glisser chez nous sans que je m’en aperçoive.
PALESTRION, à part. Il est à moi : dans un clin d’œil je lui ferai vider ses retranchements. (Haut.) Veux-tu que je te fasse avouer que tu as la berlue ?
SCÉLÈDRE. Soit, voyons.
PALESTRION. Que tu n’as pas un grain de bon sens, que tu ne sais pas faire usage de tes yeux ?
SCÉLÈDRE. Je le veux bien.
PALESTRION. Tu dis que la maîtresse de notre maître est dans cette maison-là ?