Page:Pline l'ancien - Histoire naturelle, Littré, T1 - 1848.djvu/241

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

marche, et de 15.000 pas jusqu'au partage du Nil et au commencement du Delta.

X. [1] Le Nil, sorti de sources mal connues, coule à travers des lieux déserts et brûlants. Il promène ses eaux dans un espace d'une immense longueur, dont la connaissance est due à des récits pacifiques (11), et non aux guerres qui ont procuré la découverte de tous les autres paye. La source (autant qu'ont pu s'étendre les recherches du roi Juba) en est une montagne de la Mauritanie inférieure, non loin de l'Océan; il forme aussitôt un lac qu'on appelle Nilis. On y trouve, en fait de poissons, des alabètes (12), des coracins (IX, 32) et des silures (IX, 17); un crocodile en a été rapporté et consacré par Juba même, preuve que c'est bien le Nil, dans le temple d'Isis à Césarée, où on le voit encore aujourd'hui.

[2] En outre, on a observé que la crue du Nil correspond à l'abondance des neiges et des pluies en Mauritanie. Sorti de ce lac, le fleuve s'indigne de couler à travers des lieux sablonneux et arides, et il se cache pendant un trajet de quelques jours de marche; puis, traversant un plus grand lac dans la Massaesylie, portion de la Mauritanie Césarienne, il s'élance, et jette, pour ainsi dire, un regard sur les sociétés humaines; la présence des mêmes animaux prouve que c'est toujours le même fleuve.

[3] Reçu de nouveau dans les sables, il se dérobe encore une fois dans des déserts de vingt journées de marche, jusqu'aux confins de l'Éthiopie; et lorsqu'il a reconnu derechef la présence de l'homme, ils s'élance, sans doute jaillissant de cette source qu'on a nommée Nigris. Là, séparant l'Afrique de l'Éthiopie, les rives en sont peuplées, sinon d'hommes, du moins de bêtes et de monstres: créant des forêts dans son cours, il traverse par le milieu l'Éthiopie, sous le nom d'Astapus, mot qui, dans la langue de ces peuples, signifie une eau sortant des ténèbres.

[4] Tant d'îles en parsèment le lit, et quelques-unes si étendues, que, malgré sa course rapide, il ne lui faut pas moins de cinq jours pour les dépasser. A Méroé, la plus célèbre de ces îles, le bras gauche est appelé Astabores, c'est-à-dire, branche d'une eau tenant les ténèbres; le bras droit s'appelle Astusapes, mot qui emporte l'idée d'eau cachée. Il n'est pas le Nil avant d'avoir réuni dans un seul lit ses eaux réconciliées; et même il porte encore, pendant quelques milles au-dessous comme au-dessus, le nom de Siris. Homère a donné au fleuve entier le nom d'Égyptus (Od. IV, 477) ; d'autres, celui de Triton. De là il se heurte contre des îles qui semblent l'irriter dans sa marche; enfin, resserré par les montagnes, il n'est nulle part plus torrentueux; il roule ses eaux impétueuses jusqu'au lieu d'Éthiopie qu'on appelle Catadupe; et dans cette dernière cataracte, au milieu des écueils qui l'arrêtent, il semble, non pas couler, mais se précipiter avec un horrible fracas:

[5] au delà il s'apaise, ses flots s'amortissent, sa violence est domptée, et, fatigué sans doute aussi par l'espace qu'il a franchi, il se décharge par des embouchures larges, quoique nombreuses, dans la mer d'Égypte. A des jours fixes il inonde de ses eaux débordées tout le pays, et, couvrant la terre, il la féconde.

[6] On a attribué ce débordement à des causes diverses: les plus probables sont, ou que les vents étésiens, qui à cette époque soufflent en sens inverse de son cours, le repoussent et font monter la mer dans ses embouchures, ou qu'il grossit par les pluies d'été en Éthiopie, où les mêmes vents étésiens portent les nuages du reste de la