Page:Pline l'ancien - Histoire naturelle, Littré, T1 - 1848.djvu/242

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terre. Timée, le mathématicien, en a donné une raison occulte : la source du Nil, dit-il, s'appelle Phiala; le fleuve lui-même est plongé dans des souterrains, tout haletant par la chaleur sous les rochers fumeux où il se cache;

[7] mais, à l'époque de l'inondation, le soleil se rapproche de la terre, la chaleur de cet astre fait sortir le Nil, qui, soulevé, déborde et se cache ensuite, de peur d'être desséché: ce soulèvement du fleuve a lieu à partir du lever de la Canicule, le soleil entrant dans le signe du Lion, et cet astre étant placé verticalement au-dessus de la source; car alors dans ces parages il n'y a pas d'ombre. La plupart des auteurs pensent, au contraire, que si le fleuve coule plus abondamment quand le soleil va au septentrion dans les signes du Cancer et du Lion, c'est en conséquence de l'éloignement de cet astre que le lit du fleuve est plus rempli; mais que lorsque le soleil retourne au midi et dans le Capricorne les eaux baissent, et coulent pour cette raison avec moins d'abondance. On ne peut croire à cette attraction du Nil supposée par Timée, puisqu'à cette dernière époque dans ces parages les ombres manquent continuellement.

[8] Le Nil commence à croître à la lune nouvelle qui suit le solstice d'été; la crue est graduelle et modérée quand le soleil traverse le Cancer; elle devient très abondante quand il traverse le Lion; et dans le signe de la Vierge l'eau baisse, d'après la progression qu'elle avait suivie en montant. En somme, il rentre dans ses rives lorsque le soleil passe dans le signe de la Balance, au bout de 100 jours, comme le dit Hérodote (2, 19) ; pendant qu'il croît il est interdit au roi ou aux préfets de naviguer sur le fleuve. Sa crue se mesure par des marques qui sont dans des puits; le débordement régulier est de 15 coudées (XVIII, 47; XXXVI, 11); un débordement moindre n'arrose pas tout; un débordement plus grand, mettant plus de temps à se retirer, retarde les travaux: celui-ci, par l’humidité qu'il laisse dans le sol, empêche de profiter de l'époque des semailles; celui-là ne permet pas d'ensemencer un sol desséché.

[9] L'Égypte redoute l'un et l'autre: à douze coudées il y a famine, à treize il y a encore disette: quatorze amènent la joie, quinze la sécurité, et seize l'abondance et les délices. Le plus grand débordement jusqu'à ce temps a été de 18 coudées, sous l'empereur Claude; le moindre a été de cinq coudées, pendant la guerre de Pharsale, comme si le fleuve, par un prodige, témoignait son horreur de l'assassinat de Pompée. Lorsque les eaux sont arrivées à leur plus haut point, on les reçoit dans les terres en ouvrant les digues: on ensemence le terrain à mesure qu'il le quitte. Seul de tous les fleuves il ne donne naissance à aucune vapeur.

[10] Il commence à entrer dans le domaine de l'Égypte à Syène (II, 75), limite de l'Éthiopie: on appelle ainsi une péninsule de 1.000 pas de tour où sont les Camps, du côté de l'Arabie. En face est l'île de Philae, de 4.000 pas de tour (13), à 600.000 de la division du Nil, où commence ce qu'on appelle le Delta.

[11] Telle est du moins l'estimation d'Artémidore, d'après lequel cet espace a renfermé 250 villes; Juba l'a évalué à 400.000. Aristocréon compte d'Éléphantis à la mer 750.000 pas: Éléphantis est une île habitée, à 4.000 pas au-dessous de la dernière cataracte, et à 16.000 au-dessus de Syène; c'est à Éléphantis que s'arrête la navigation égyptienne. La distance d’Alexandrie est de 580.000 pas: qu'on juge par là de l'énormité des erreurs commises par les auteurs susdits ! C'est le rendez-vous des bateaux éthiopiens: ces bateaux se plient, et on les porte sur les épaules pour franchir les cataractes.