Page:Pline l'ancien - Histoire naturelle, Littré, T2 - 1850.djvu/403

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LIVRE XXXIII.


I. Nous allons parler maintenant des métaux, la richesse par excellence, et le signe de la valeur des choses. L'industrie, pour divers motifs, fouille le sein de la terre. Ici elle creuse pour satisfaire l'avarice, et va chercher l'or, l'argent, l'électrum, le cuivre ; là, pour satisfaire le luxe, elle poursuit les pierres précieuses employées à décorer les murailles ou à parer les mains ; ailleurs, elle sert un courage furieux en extrayant le fer, plus à gré que l'or même au milieu de la guerre et du carnage. Nous suivons toutes les veines de la terre, et, vivant sur les excavations que nous avons faites, nous nous étonnons que parfois elle s'entr'ouvre ou qu'elle tremble ! comme si l'indignation ne suffisait pour arracher de pareils châtiments à cette mère sacrée ! Nous pénétrons dans ses entrailles, nous cherchons des richesses dans le séjour des mânes : ne semble-t-il pas qu'elle ne soit ni assez bienfaisante ni assez féconde là où nos pieds la foulent ? Et ce n'est guère pour aller chercher des remèdes que nous entreprenons ces travaux. Quel est en effet celui qui dans de pareilles fouilles s'est proposé la médecine pour but ? Et de fait c'est à sa superficie qu'elle produit les substances médicinales, comme les céréales, prodigue et facile pour tout ce qui nous est utile. Les substances qu'elle a cachées dans ses profondeurs, qui ne sont pas produites avec rapidité, voilà ce qui nous pousse, voilà ce qui nous conduit dans les régions infernales. En se laissant aller à l'imagination, que l'on calcule combien il faudra de siècles pour mettre fin à ces travaux qui l'épuisent, et jusqu'où pénétrera notre cupidité ! Combien notre vie serait innocente, combien heureuse, combien même voluptueuse, si nous ne désirions que ce qui se trouve à la surface de la terre, en un mot, que ce qui est à notre portée !

II. On extrait l'or, et avec l'or la chrysocolle, ainsi nommée d'après ce métal, afin qu'elle paraisse plus précieuse. C'était peu d'avoir trouvé une substance aussi pernicieuse à la société, il a fallu que cette espèce de sanie de l'or fût aussi une chose de prix. Ailleurs la cupidité cherchait de l'argent, elle rencontre du minium ; s'applaudissant, en attendant, de sa trouvaille, elle imagine l'emploi de cette terre rouge. O que de prodigalité dans l'esprit de l'homme ! de combien de façons n'avons-nous pas augmenté la valeur des choses ! L'art du dessin s'est appliqué à l'or et à l'argent ; et en les ciselant nous avons rendu ces métaux plus précieux. L'homme a appris à défier la nature. Les passions vicieuses ont donné un nouvel essor à l'art : on s'est plu à graver sur les coupes des images luxurieuses, et à boire dans des obscénités. Puis ces métaux ont passé de mode, on s'en est dégoûté ; l'or et l'argent étaient trop communs : on a extrait de la terre encore les vases murrhins et les vases de cristal, dont la fragilité même fait tout le prix : ce fut une preuve d'opulence, et la vraie gloire du luxe, de posséder ce qui pouvait périr tout entier dans un moment. On ne s'est pas arrêté là : nous buvons dans une masse de pierreries, nous enchâssons des émeraudes dans nos