Page:Pline l'ancien - Histoire naturelle, Littré, T2 - 1850.djvu/407

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luxe défend de les entamer par le burin ; et il commande de les porter unies, afin qu’on n’aille pas croire qu’on se serve de ces anneaux pour cacheter. Ou bien encore il veut que certaines pierres, même du côté qui regarde le doigt, ne soient pas cachées par l’or ; et par mille petits cail1oux il ôte du prix à ce métal. D’autres, au contraire, ne mettent point de pierreries, et ne scellent qu’avec l’or même. Cette mode date du règne de l’empereur Claude. Aujourd’hui il n’y a pas jusqu’aux esclaves qui n’entourent d’or le fer de leurs anneaux ; d’autres même en portent d’or pur. Cet abus vient de l’île de Samothrace (IV, 23, 9), comme le nom de ces anneaux le fait connaître. Les anneaux se portaient d’abord à un seul doigt, à celui qui est à côté du plus petit ; c’est ce que nous voyons dans les statues de Numa et de Servius Tullius : ensuite on en a mis au doigt le plus voisin du pouce, mode qu’on a suivie, même pour les statues des dieux ; plus tard on eut la fantaisie d’en orner même le petit doigt. Dans les Gaules et dans la Bretagne on en mettait, dit-on, au doigt du milieu. Aujourd’hui ce doigt est le seul qu’on excepte ; les autres doigts en sont chargés. On a même de plus petits anneaux pour les petites phalanges, et des gens en mettent trois au seul petit doigt. D’autres n’en portent qu’un seul à ce même doigt : c’est là le cachet d’un cachet qui, soigneusement renfermé comme un objet rare et trop précieux pour être profané en servant d’anneau, se tire de l’écrin comme d’un sanctuaire ; en sorte qu’en ne portant qu’un anneau au petit doigt, on indique fastueusement qu’on en a sous clef de plus précieux. Quelques-uns font parade du poids de leurs anneaux ; d’autres seraient fatigués s’ils en avaient plus d’un à la fois ; certains, dans leur sollicitude pour leurs pierreries, roulent en anneau une mince lame d’or et en remplissent l’intérieur d’une matière légère, pensant par là diminuer les risques d’une chute. D’autres renferment des poisons sous les pierres précieuses, comme fit Démosthène, le plus grand orateur de la Grèce, et portent des bagues afin de pouvoir mourir. Enfin, les anneaux servent à la plupart des crimes commis par la cupidité. Quel n’était pas le bonheur de nos ancêtres et l’innocence d’un temps où rien ne se cachetait ! Aujourd’hui il faut sceller avec l’anneau les aliments et les boissons, pour prévenir les vols : voilà le service qu’ont rendu ces légions d’esclaves, cette tourbe étrangère logée dans nos maisons, si nombreuse, qu’il faut un nomenclateur pour nous rappeler les noms de nos serviteurs. Il y a loin de là aux mœurs de nos aïeux : alors on n’avait qu’un esclave appelé Marcipore ou Lucipore du nom de son maître, et prenant avec lui nourriture commune ; aussi n’était-il pas besoin de se garder dans la maison contre ceux qui l’habitaient : aujourd’hui nous nous procurons à grands frais des mets qui nous seront volés, et ceux qui nous les voleront. Ce n’est plus même assez de mettre les clefs sous cachet ; on dérobe l’anneau d’un homme endormi ou mourant ; et les affaires les plus graves de la vie dépendent de ce petit instrument : depuis quand, on ne le sait. Cependant on peut, ce semble, en admettre l’importance chez les étrangers dès le temps de Polycrate, tyran de Samos, qui recouvra par la capture d’un poisson cet anneau favori qu’il avait jeté à la mer. Polycrate fut mis à mort vers l’an 230 de Rome. L’usage de l’anneau doit avoir pris de l’extension avec l’usure ; ce qui le prouve, c’est l’habitude vulgaire de tirer son anneau en signe d’arrhes,