Page:Pline l'ancien - Histoire naturelle, Littré, T2 - 1850.djvu/486

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un personnage grave, sévère, et en même temps un peintre fleuri et boursouflé120. De lui était une Minerve qui, de quelque côté qu’on la regardât, regardait le spectateur. Il ne peignait que peu d’heures par jour, et cela avec gravité ; car il ne quittait jamais la toge, même sur les échafauds. La maison dorée (XXXVI, 24, 8) de Néron fut la prison des ouvrages de ce peintre ; aussi n’en voit-on guère ailleurs. Après lui Cornélius Pinus et Accius Priscus furent en réputation. Ils peignirent le temple de l’Honneur et celui de la Vertu, que restaurait l’empereur Vespasien Auguste. Priscus122 approchait davantage des anciens.

XXXVIII

(XI.)
1
N’omettons pas, à propos de peinture, une anecdote célèbre touchant Lépidus : pendant son triumvirat, les magistrats de je ne sais quel lieu le logèrent dans une maison entourée de bois. Le lendemain il se plaignit à eux, avec menaces, de n’avoir pu dormir, à cause du chant des oiseaux. On tendit autour de l’emplacement une très-longue bande où un dragon était peint : cet épouvantail fit, dit-on, taire les oiseaux, et l’on sut dès lors qu’on pouvait par ce moyen les empêcher de chanter.

XXXIX

1 On ne sait pas au juste qui inventa la peinture en cire et à l’encaustique (XXXV, 41). Quelques-uns en attribuent la découverte à Aristide (XXXV, 36, 35), et le perfectionnement à Praxitèle. Cependant il y a eu des peintures à l’encaustique un peu plus anciennes, par exemple de Polygnote, de Nicanor et d’Arcésilas, tous trois de Paros. De plus, Lysippe a écrit sur une de ses peintures d’Égine : Ἐνέκαεν123 (Lysippe a brûlé) ; ce qu’il n’aurait certainement pas fait si l’encaustique n’eût été inventée.

XL

1 On rapporte aussi que Pamphile (XXXV, 36, 14), maître d’Apelle, non seulement peignit à l’encaustique, mais encore enseigna cet art à Pausias de Sicyone, le premier qui s’y soit rendu célèbre. Celui-ci était fils de Bryès124, qui fut son premier maître. Il peignit au pinceau, à Thespies, des murs qu’on restaurait, et qui avaient jadis été peints par Polygnote. Par la comparaison, il fut trouvé de beaucoup inférieur ; mais il n’avait pas lutté avec le peintre ancien dans son genre à lui. Il imagina le premier de peindre les lambris. Avant lui on ne décorait pas de la sorte les appartements. 2 Il peignit de petits tableaux, et surtout des enfants. Ses rivaux disaient que c’était parce que l’encaustique est un procédé d’une exécution lente : lui, voulant donner aussi à son art une réputation de célérité, peignit en un seul jour un tableau connu sous le nom d’hémérésios (d’un jour), qui représente un enfant. Dans sa jeunesse, il fut amoureux de Glycère, sa compatriote, inventrice de couronnes de fleurs ; et, rivalisant de talent avec sa maîtresse, il amena l’encaustique à reproduire toute la variété des fleurs ; enfin il la peignit elle-même assise, avec une couronne. C’est un de ses tableaux les plus renommés ; il est appelé par les uns Stephaneplocos (tresseuse de couronnes), par les autres Stephanopolis (vendeuse), parce que Glycère avait gagné sa vie à vendre des couronnes. Une copie de ce tableau (une copie se dit apographon) fut achetée 2 talents par L. Lucullus, à Athènes, pendant les Dionysiaques.

3 Pausias fit aussi de grands tableaux, par exemple, le sacrifice de bœufs qui se voyait dans