Page:Pline l'ancien - Histoire naturelle, Littré, T2 - 1850.djvu/519

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et sur une plate-forme unique étaient cinq pyramides, dont Varron a eu honte de marquer la hauteur. Celte hauteur, suivant les tables étrusques, était la même que celle du monument tout entier. Quelle vaine démence de chercher la gloire par des dépenses qui ne doivent servir à personne, et d’épuiser en outre les ressources d’un royaume pour un honneur dont, en définitive, la plus grande part retient à l’artiste!

XX

XIV.
Nous lisons aussi qu’à Thèbes d’Égypte un jardin, que dis-je? la ville tout entière était suspendue, les rois pouvant, par-dessous, faire sortir des armées sans qu’aucun habitant s’en aperçut. Ce qui augmente cette merveille, c’est que le fleuve traverse la ville par le milieu. Mais s’il en eût été ainsi Homère sans aucun doute en aurait parlé, lui qui a célébré les cent portes de Thèbes.

XXI

1 Un monument de la magnificence grecque digne d’une véritable admiration, c’est le temple de Diane à Éphèse, élevé en deux cent vingt ans par toute l’Asie. On l’assit sur un sol marécageux pour le mettre à l’abri des tremblements de terre et des crevasses qu’ils produisent. D’un autre côté, pour que les fondements d’une masse aussi considérable ne posassent pas sur un terrain glissant et peu solide, on établit d’abord un lit de charbon broyé et de la laine par-dessus.

2 Le temple entier a quatre cent vingt-cinq pas de long et deux cent vingt de large, cent vingt-sept colonnes faites par autant de rois, hautes de soixante pieds. De ces colonnes, trente-six sont sculptées ; une l’a été par Scopas. L’architecte qui présida à l’ouvrage fut Chersiphron. Le grand prodige dans cette entreprise, c’est d’avoir élevé si haut les architraves ; il en vint à bout avec des sacs pleins de sable, qu’il dressa en un plan incliné dépassant le sommet des colonnes ; puis il vida peu à peu les sacs inférieurs, et les architraves vinrent insensiblement s’asseoir en leur place. La plus grande difficulté fut au frontispice même, qu’il plaçait au-dessus de la porte d’entrée.

3 C’était une masse énorme ; elle ne se posa pas d’aplomb; l’artiste, désespéré, songeait à se donner la mort : on dit que, tourmenté par ces pensées et fatigué, il aperçut pendant la nuit, en songe, la déesse pour laquelle se faisait le temple, et qui l’exhorta à vivre, lui annonçant qu’elle avait arrangé la pierre. En effet, le lendemain la promesse se trouva accomplie, et la pierre semblait s’être mise d’aplomb par son propre poids. Les autres ornements du temple rempliraient par leurs descriptions plusieurs livres ; mais ils n’ont rien de commun avec l’histoire de la nature.

XXII

XV.
Il subsiste aujourd’hui même à Cyzique un temple en pierres polies, dans lequel l’artiste a mis sous tous les joints du fil d’or, se proposant de consacrer à l’intérieur un Jupiter d’ivoire, couronné par un Apollon de marbre. Et, en effet, les joints brillent par ces très minces filets ; et l’or, quoique ainsi dissimulé, donne un léger reflet qui, outre le mérite de l’artiste, rehausse les figures, et se fait sentir dans le prix de l’ouvrage.

XXIII

1 Dans la même ville est une pierre dite fugitive. Les Argonautes, qui s’en servaient en guise d’ancre, l’y ont laissée. Cette pierre, qui s’est souvent enfuie du Prytanée (ainsi se nomme le lieu où elle est) a été finalement scellée avec du plomb. Dans cette ville encore, auprès de la porte