Page:Pline l'ancien - Histoire naturelle, Littré, T2 - 1850.djvu/534

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si on y fait passer la pierre à polir, on lui donne l’apparente d’un carrelage noir.

LXIV

1 Les mosaïques furent en usage dès le temps de Sylla ; du moins voit-on encore aujourd’hui un carrelage en petits segments qu’il fit faire à Préneste, dans le temple de la Fortune. Puis les carrelages passèrent du sol aux parois, et on les fit de verre. C’est une invention récente : la preuve, c’est qu’Agrippa, aux Thermes qu’il construisit à Rome, fit peindre à l’encaustique (XXXV, 9) les murailles en terre cuite dans les pièces chauffées, et, dans le reste, orner les crépis ; et sans aucun doute il eût orné les pièces en mosaïque de verre, si cette mosaïque avait été dès lors Inventée, ou du moins si des parois du théâtre de Scaurus où elle figura, comme nous avons dit (XXXVI, 24, 11), elle avait passé aux appartements. À ce propos il nous faut traiter du verre.

LXV

XXVI.
Il est dans la Syrie une contrée nommée Phénicie (V, 17), confinant à la Judée, et renfermant, entre les racines du mont Carmel, un marais qui porte le nom de Cendevia. On croit qu’il donne naissance au fleuve Bélus (V, 19), qui, après un trajet de cinq mille pas, se jette dans la mer auprès de Ptolemaïs, colonie. Le cours en est lent, l’eau malsaine à boire, mais consacrée aux cérémonies religieuses. Ce fleuve limoneux et profond ne montre qu’au reflux de la mer le sable qu’il charrie. Alors, en effet, ce sable, agité par les flots, se sépare des impuretés et se nettoie.

2 On pense que dans ce contact les eaux de la mer agissent sur lui, et que sans cela il ne vaudrait rien. Le littoral sur lequel on le recueille n’a pas plus de cinq cents pas, et pendant plusieurs siècles ce fut la seule localité qui produisit le verre. On raconte que des marchands de nitre y ayant relâché, prépa raient, dispersés sur le rivage, leur repas ; ne trouvant pas de pierres pour exhausser leurs marmites, ils employèrent à cet effet des pains de nitre de leur cargaison : ce nitre soumis à l’action du feu avec le sable répandu sur le sol, ils virent couler des ruisseaux transparents d’une liqueur inconnue, et telle fut l’origine de verre.

LXVI

1 Depuis, comme l’industrie est ingénieuse et avisée, on ne se contenta pas de mêler du nitre au sable, et on imagina d’y incorporer la pierre aimant, dans la pensée qu’elle attire à elle le verre fondu comme le fer. De là même façon on se mit à introduire, dans la fonte, divers cailloux luisants, puis des coquillages et des sables fossiles. Des auteurs disent que le verre de l’Inde se fait avec du cristal brisé, et que pour cela aucun ne peut lui être comparé. Pour la fonte on emploie du bois léger et sec, et on ajoute du cuivre de Chypre et du nitre, sur tout du nitre d’Ophir.

2 On le fond, comme le cuivre, dans des fourneaux contigus, et on obtient des masses noirâtres, d’un aspect gras. Le verre fondu est tellement pénétrant, qu’avant même qu’on l’ait senti il coupe jusqu’aux os toutes les parties du corps qu’il touche. Ces masses se fondent de nouveau dans des fourneaux, où on lui donne la couleur ; puis tantôt on le souffle, tantôt on le façonne au tour, tantôt on le cisèle comme l’argent. Jadis Sidon était célèbre pour ses verreries ; on y avait même inventé des miroirs de verre. Telle fut anciennement la fabrication de ce produit. Aujourd’hui, à l’embouchure du fleuve Vulturne, en Italie, sur la côte, dans un espace de six mille pas, entre Cumes et Liternum, on recueille un sable blanc très tendre ;