Page:Pline le Jeune - Panégyrique de Trajan, trad. Burnouf, FR+LA, 1845.djvu/69

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

teurs est abandonnée aux vents ; elle est forcée de déployer ses voiles aux tempêtes, et de suivre les flots irrités sur tous les écueils où ils la porteront. On aime à contempler ces navires dispersés dès la sortie du port, et à remercier le prince, au bord même de la mer, d’avoir concilié la justice avec sa clémence, en confiant aux dieux de la mer la vengeance de la terre et des hommes. On connut alors ce que peut la différence des temps, quand on vit le crime enchaîné sur ces mêmes rochers où autrefois languissait l’innocence, et ces îles, naguère peuplées de sénateurs bannis, se remplir maintenant de délateurs. Et ce n’est pas pour un jour seulement, c’est pour toujours, que vous avez réprimé leur audace, en l’enveloppant comme d’un réseau inévitable de châtiments. Ils veulent ravir un bien qui n’est pas à eux ; qu’ils perdent celui qu’ils ont ! Ils brûlent de chasser autrui de ses pénates ; qu’ils soient arrachés des leurs. Qu’on ne les voie plus offrir à des stigmates impuissants leur front de marbre et d’airain, et rire eux-mêmes de leurs flétrissures ; qu’ils redoutent des pertes égales à leurs profits ; que leurs espérances cessent d’être plus grandes que leurs craintes, et qu’ils ressentent autant de frayeur qu’ils en inspiraient ! Déjà Titus avait pourvu courageusement à la vengeance et à la sécurité publique, et ce bienfait l’a placé entre les dieux. Combien vous mériterez encore mieux le ciel, vous qui avez tant ajouté à ce qui lui a valu des autels ! Y ajouter était cependant difficile, après que l’empereur Nerva, si digne de vous avoir pour fils et pour successeur, avait fait à l’édit de Titus de si importantes additions, qu’il semblait que personne ne pût faire davantage ; personne, excepté vous, qui avez imaginé autant de sages règlements que si avant vous l’œuvre n’eût pas été commencée. Que de droits à notre reconnaissance, quand vous auriez dispensé un à un tous ces biens ! Vous les avez versés tous ensemble, comme le soleil, comme le jour, qui ne divise point sa clarté, mais la répand tout entière ; qui ne se lève point pour une partie des hommes, mais pour tous à la fois.

XXXVI- Quel plaisir de voir le trésor public silencieux, paisible, et tel qu’il était avant les délateurs ! Maintenant c’est vraiment un temple, c’est le séjour d’un dieu ; ce n’est plus l’antre où l’on dépouillait les citoyens, le réceptacle affreux de sanglantes rapines, le seul lieu dans l’univers où, sous un bon