Page:Pline le Jeune Lettres I Panckoucke 1826.djvu/53

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qui ne fût à ses amis. Biens, crédit, talens, tout leur était prodigué, souvent sans qu’ils eussent la peine de le demander, quelquefois sans qu’ils le sussent. On eût dit qu’au milieu des affaires qui l’assiégeaient, et des études où il se plongeait, il n’avait d’attention qu’aux avantages de ceux qu’il aimait. Toujours éclairé sur leurs bonnes qualités qu’il vantait sans cesse, il ne sentait point leurs défauts ; et, s’il les voyait, ce n’était que pour les trouver infiniment moindres que les siens. Ce n’est pas qu’il ait jamais trahi ses sentimens, ou qu’il ait négligé de remettre dans la voie ceux qui s’égaraient ; mais, sincère sans chagrin quand il fallait reprendre, il était complaisant sans mollesse quand il fallait supporter. Il distinguait un faible d’un vice, une saillie d’humeur d’une expression du cœur, et n’exigeait point des autres qu’ils missent dans le commerce une perfection qu’il croyait ne pouvoir y porter. Comme il ne s’attachait qu’au mérite, il n’aimait pas les personnes selon le degré de leur noblesse et de leur élévation. Si en public il suivait sur cela les bienséances, en particulier son inclination et leurs vertus réglaient seules les rangs. Enfin, la mort et l’adversité, qu’on voit rompre ordinairement tous les nœuds qui lient les hommes, serraient plus étroitement ceux de son amitié. Elle se tournait en religion, dès que ses amis étaient morts ou malheureux. Aussi personne n’eut jamais plus de respect pour la volonté des morts : elle était pour lui une loi supérieure à toutes les autres. s’il s’y trouvait de l’obscurité, c’était toujours contre lui, et de la manière qui convenait le plus à leurs desseins et à leur réputation, qu’elle était expliquée. Si les formes la condamnaient, sa fidélité les faisait taire et la confirmait. Il n’y eut pas jusqu’à ses affranchis et à ses esclaves,