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LIVRE HUITIÈME.

la contingence, le hasard, pourraient-ils approcher de cette puissance qui a créé l’Intelligence (δύναμις νοοποιός (dunamis noopoios)), puissance vraiment et essentiellement créatrice ? En effet, tel est ce qui est dans l’Intelligence, tel est ce qui est dans l’Un, quoique ce qui est en lui soit bien supérieur.

Qu’on se représente la clarté répandue au loin par une source lumineuse qui demeure en elle-même : la clarté répandue est l’image, et la source d’où elle sort est la Lumière véritable[1]. Cependant, la clarté répandue, c’est-à-dire l’Intelligence, n’est pas une image qui ait une forme étrangère [à son principe] : car elle n’existe pas par hasard ; elle est raison et cause dans chacune de ses parties. L’Un est donc la cause de la cause : il est cause d’une manière suprême (αἰτιώτατον (âitiôtaton)) et dans le sens le plus vrai, contenant à la fois toutes les causes intellectuelles qui doivent naître de lui ; il a engendré ce qui est né de lui, non par l’effet du hasard, mais comme il l’a voulu lui-même. Or, sa volonté n’a pas été irrationnelle, ni fortuite, ni accidentelle ; elle a été ce qu’il convenait qu’elle fût, parce qu’en lui rien n’est fortuit. Aussi Platon l’a-t-il appelé le convenable[2] et l’opportun, pour exprimer autant que possible que

    copistes. Modifiant la ponctuation de M. Kirchhoff, et conservant le mot νοῦ (nou) qu’il retranche à tort, nous lisons : οὕτω τοι ϰαϰεῖνο τῆς νοερας περιθεούσης δυνάμεως τὸ οἶον ἰνδάλματος αὐτοῦ ἀρχέτυπον, ἐν ἑνὶ [νοῦ] πολλοῖς ϰαὶ εἰς πολλὰ οἷον ϰεϰινημένου, ϰαὶ νοῦ διὰ ταῦτα γενομένου, ἐϰείνου πρὸ νοῦ μείνατος, [ἐϰ] τῆς δυνάμεως αὐτοῦ νοῦν γεννήσαντος.

  1. Voy. Enn. III, liv. VIII, § 9 ; t. II, p. 230.
  2. Par les mots convenable et opportun (δέον ϰαὶ ϰαιρός (deon kai kairos)), Plotin paraît faire allusion au passage suivant de Platon : « Le mot δέον (deon), convenable, s’accorde avec les autres expressions de l’idée du bien, si l’on substitue l’ι (i) à l’ε (e), comme dans l’ancien langage. Διόν (Dion), parcourant, et non pas δέον (deon), enchaînant, exprime ce que l’auteur des noms semble toujours louer comme le bien. Le convenable, δέον (deon), l’utile, ὠφέλιμον (ôphelimon), le profitable, ϰερδαλέον (kerdaleon), l’avantageux, λυσιτελοῦν (lusiteloun), le bon, ἀγαθόν (agathon), le commode, ξύμφερον (xumpheron), le facile, εὔπορον (euporon), tout cela exprime la même chose par des noms différents, à savoir ce qui pénètre et ordonne tout, et qui est partout célébré. » (Cratyle, trad. de M. Cousin, t. XI, p. 100.)