Aller au contenu

Page:Plotin - Ennéades, t. I.djvu/100

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
XCV
UNION DE L’ÂME ET DU CORPS.

les parties : c’est ce principe d’unité que nous appelons âme[1]. Mais si l’âme aussi est matérielle, quelque subtile que soit la matière qui la compose, qui pourra la contenir elle-même, puisque nous venons de voir que toute matière a besoin d’un principe qui la contienne ? Il en sera de même à l’infini jusqu’à ce qu’enfin nous arrivions à une substance immatérielle. (Némésius, De la Nature de l’homme, ch. ii ; p. 29 de la trad. de M. Thibault.)

Union de l’âme et du corps.

Ammonius, maître de Plotin, expliquait ainsi la difficulté qui nous occupe [l’union de l’âme et du corps[2]] : « L’intelligible est de telle nature qu’il s’unit à ce qui peut le recevoir, aussi intimement que s’unissent les choses qui s’altèrent mutuellement en s’unissant, et qu’en même temps, dans cette union, il demeure pur et incorruptible, comme le font les choses qui ne sont que juxtaposées[3]. En effet, pour les corps, l’union altère les parties qui se rapprochent, puisqu’elles forment d’autres corps : c’est ainsi que les éléments se changent en corps composés, la nourriture en sang, le sang en chair et en d’autres parties du corps. Mais, pour l’intelligible, l’union se fait sans qu’il y ait d’altération : car il répugne à la nature de l’intelligible de subir une altération dans son essence. Il disparaît ou il cesse d’être, mais il n’est pas susceptible de changement. Or l’intelligible ne peut être anéanti : autrement il ne serait pas immortel ; et, comme

    cole néoplatonicienne. Elle s’est maintenue par tradition dans l’Occident jusqu’à Boèce, qui, au début de son traité De Interpretatione, promet de concilier, à l’exemple de Porphyre, les doctrines de Platon et d’Aristote, de faire voir qu’ils ne professent pas sur toutes choses des opinions opposées, comme on le croit ordinairement, mais qu’ils sont d’accord sur les points fondamentaux de la philosophie. L’ouvrage de Porphyre auquel Boèce fait ici allusion est un traité dont on n’a conservé que le titre : Περὶ τοῦ μίαν εἶναι τὴν Πλάτωνος ϰαὶ Ἀριστοτέλους αἵρεσιν. C’était sans doute la contrepartie de celui d’Atticus le platonicien (Eusèbe, Préparation évangélique, XV, 4-9).

  1. La même pensée se retrouve dans le fragment de Numénius cité page C. Voy. aussi l’extrait de Plotin cité p. 358 de ce volume et la note 1 de cette page.
  2. Sur ce fragment d’Ammonius, Voy. M. Ravaisson, Essai sur la Métaphysique d’Aristote, t. II, p. 374-379 ; et M. Vacherot, Histoire de l’École d’Alexandrie, t. I, p. 347-352.
  3. Sur la différence de la mixtion et de la juxtaposition, Voy. Enn. II, liv. vii, § 1, p. 243-244. Pour le développement de la pensée d’Ammonius, Voy. Porphyre, Principes de la théorie des intelligibles, §§ XVII, XVIII, XXI, XXII, XXXVI, XXXVIII.