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PRÉFACE.

toutes les écoles antérieures, il faut, pour le comprendre, avoir présents à l’esprit les enseignements de toutes ces écoles et s’être familiarisé avec la langue propre à chacune d’elles. Platon avait inscrit, dit-on, sur le frontispice de son école : « Que nul n’entre ici s’il n’est géomètre. » Plotin aurait pu inscrire sur la sienne : « Que nul n’entre ici s’il ne possède la philosophie antique[1]. »

D’un autre côté, la manière de composer de l’auteur n’était guère propre à diminuer les difficultés. Son œuvre n’est pas en effet, comme nos traités méthodiques, formée de livres qui se suivent en s’enchaînant et dont les premiers préparent et éclairent les suivants : sa pensée est disséminée dans des morceaux détachés, indépendants les uns des autres, et dont cependant chacun suppose presque la connaissance de toute la doctrine. Enfin, son style vient encore ajouter à tant de causes d’obscurité. De l’aveu de Porphyre, son disciple et son premier éditeur, l’expression de Plotin est souvent peu correcte ; sa phrase, d’une extrême concision, et enfermant plus de pensées que de mots, est à peine achevée[2]. Aussi, Longin, amateur de beau langage, adressait-il à Porphyre les plaintes les plus vives à ce sujet, et attribuait-il à des fautes de copistes la peine qu’il avait à comprendre les écrits de Plotin[3].

Sans doute Porphyre, que Plotin avait chargé de revoir ses écrits et d’y mettre la dernière main, a dû prendre à cœur de faire disparaître une grande partie des imperfections qui les déparaient[4] ; mais, en admettant qu’il y ait pleinement réussi, les copistes, par les mains desquels son travail a dû passer pendant douze siècles avant que

  1. Expression souvent employée par Plotin, notamment en combattant les Gnostiques (Enn. II, liv. IX, § 6, p. 271), et par laquelle il désigne surtout l’ensemble des doctrines grecques.
  2. Voy. Vie de Plotin, § 8, 13, 14 ; p. 10, 12, 14.
  3. Voy. ibid., § 19, 20, p. 19-21.
  4. Voy. ibid., § 24, p 28-32.