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LIVRE PREMIER.

l’essence de l’âme. Quand on la dit faillible, c’est qu’on la suppose complexe, et qu’on ajoute à son essence une autre espèce d’âme qui peut éprouver les passions brutales. L’âme ainsi conçue est un composé, résultant d’éléments divers : c’est ce composé qui éprouve des passions, qui commet des fautes ; c’est lui aussi, et non l’âme pure, qui subit les châtiments. C’est de l’âme considérée dans cet état que Platon dit : « Nous voyons l’âme comme nous voyons Glaucus, le dieu marin[1]. » Et il ajoute : « Celui qui veut connaître la nature de l’âme elle-même doit, après l’avoir dépouillée de tout ce qui lui est étranger, considérer surtout en elle son amour pour la vérité, voir à quelles choses elle s’attache et en vertu de quelles affinités elle est ce qu’elle est. » Sa vie et ses actes sont donc autre chose que ce qui est puni, et séparer l’âme, c’est la détacher, non seulement du corps, mais aussi de tout ce qui a été ajouté à l’âme.

La génération ajoute quelque chose à l’âme, ou plutôt elle fait naître une autre forme d’âme [la nature animale]. Mais comment s’opère cette génération ? Nous l’avons expliqué ailleurs[2]. Quand l’âme descend, elle produit, au moment même où elle incline vers le corps, une image d’elle-même. Est–ce l’âme qui envoie cette image dans le corps ? Nous répondrons : Si incliner vers le corps, c’est pour l’âme répandre la lumière sur ce qui est au-dessous d’elle, ce n’est pas plus pécher que ce ne le serait de produire de l’ombre. Ce qu’il faut accuser, c’est l’objet illuminé ; car s’il n’existait pas, il n’y aurait rien à illuminer. Quand on dit que l’âme descend, qu’elle incline vers le corps, cela signifie qu’elle communique la vie à ce qu’elle illumine. Elle laisse évanouir son image s’il n’y a rien près

  1. République, liv. x, p. 611 de l’éd. de H. Étienne, p. 497 de l’éd. Bekker ; tom. X, p. 273 de la trad. de M. Cousin. En se transformant en dieu marin, Glaucus s’était couvert de coquillages, de cailloux, d’herbes marines, qui le rendaient méconnaissable.
  2. Voy. Enn. IV, liv. iii, § 12-18, et liv. viii.