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PREMIÈRE ENNÉADE.

d’elle pour la recevoir : elle la laisse évanouir, non parce qu’elle est séparée (car elle n’est pas à proprement parler séparée du corps), mais parce qu’elle n’est plus ici-bas ; or elle n’est plus ici-bas dès qu’elle est tout entière à contempler le monde intelligible.

Homère paraît admettre cette distinction en parlant d’Hercule, lorsqu’il envoie l’image de ce héros dans les enfers et qu’il le place lui-même dans le séjour des dieux[1] ; c’est du moins l’idée impliquée dans cette double assertion qu’Hercule est dans les enfers et qu’il est au ciel. Le poëte distinguait donc en lui deux éléments. Voici l’explication qu’on en peut donner : Hercule avait une vertu active, et à cause de ses grandes qualités il a été jugé digne d’être mis au rang des dieux ; mais comme il ne possédait que la vertu active et non la vertu contemplative, il n’a pu être admis tout entier dans le ciel ; en même temps qu’il est au ciel, il y a quelque chose de lui dans les enfers.

XIII. Enfin, quel est le principe qui fait toutes ces recherches ? Est-ce nous ? Est–ce l’âme ? C’est nous, mais au moyen de l’âme. S’il en est ainsi, comment cela se fait-il ? Est–ce nous qui considérons l’âme parce que nous la possédons, ou bien est–ce l’âme qui se considère elle–même ? C’est l’âme qui se considère elle-même. Pour cela, elle n’aura nullement à se mouvoir, ou bien, si on lui attribue le mouvement, il faut que ce soit un mouvement qui diffère tout à fait de celui des corps, et qui soit sa vie propre.

L’intelligence aussi est nôtre, mais en ce sens que l’âme est intelligente : la vie intellectuelle est pour nous une vie supérieure. L’âme jouit de cette vie soit quand elle pense les objets intelligibles, soit quand l’intelligence agit sur nous. L’intelligence est à la fois une partie de nous-mêmes, et une chose supérieure à laquelle nous nous élevons.

  1. Odyssée, chant xi, vers 602-5. — Pour le développement de l’idée exprimée ici par Plotin, Voy. Enn. IV, liv. iii, § 27.