doit suivre[1]. C’est [parce que les êtres procèdent ainsi les uns des autres] que les races s’abâtardissent continuellement : par exemple, les hommes dégénèrent parce qu’en s’éloignant continuellement et nécessairement [du type primitif] les raisons [séminales] cèdent aux passions de la matière[2].
L’Âme considère-t-elle donc toute la suite des faits et passe-t-elle son existence à surveiller les passions qu’éprouveront ses œuvres ? Ne cesse-t-elle jamais de penser à celles-ci, n’y met-elle jamais la dernière main en les réglant une fois pour toutes de manière qu’elles aillent toujours bien[3] ? Ressemble-t-elle à un agriculteur qui, au lieu de se borner à semer et à planter, travaille sans cesse à réparer les dommages causés par les pluies, les vents et les tempêtes ?
Si cette hypothèse est absurde, il faut admettre que l’Âme connaît d’avance, ou même que les raisons [séminales] contiennent les accidents qui arrivent aux êtres engendrés, c’est-à-dire leur destruction et tous les effets de leurs défauts[4]. Dans ce cas, nous sommes obligés de dire que les
- ↑ Voy. Enn. IV, liv. iv, § 9-12. Voici comment Plotin s’exprime au § 37 de ce livre : « La Raison de l’univers ressemble au législateur qui établit l’ordre dans une cité ; celui-ci, sachant quelles actions feront les citoyens et à quels motifs ils obéiront, règle là-dessus ses institutions, lie étroitement ses lois à la conduite des individus qui y sont soumis, établit pour leurs actions des peines et des récompenses, de telle sorte que toutes choses concourent d’elles-mêmes à l’harmonie de l’ensemble par un entraînement invincible. »
- ↑ Voy. Enn. II, liv. iv. Sénèque, De Providentia, 5 : « Non potest artifex mutare materiem : hœc passa est. »
- ↑ L’Âme gouverne l’univers en demeurant tranquille, sans raisonner, sans avoir rien à redresser. » (Enn. II, liv. ix, § 2. Voy. encore Enn. III, liv. ii, iii). Sénèque, De Providentia, 5 : « Ipse omnium conditor ac rector semper paret, semel jussit.
- ↑ Nous avons déjà expliqué ce que Plotin entend par raison séminale ou génératrice (Voy. p. 101, note). Il en a emprunté le nom et l’idée aux Stoïciens. Selon eux, c’est, comme Plotin l’affirme dans ce passage, une force contenant et développant avec ordre, par sa seule vertu, tous les modes de