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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

cursive est analogue à celle d’Aristote : cela ressort déjà clairement des citations que nous venons de faire du traité De l’Âme au sujet de l’imagination ; aussi nous nous bornerons à emprunter à M. Ravaisson le passage dans lequel il résume ce point de la doctrine péripatéticienne :

« Aux deux bouts de la science, au commencement et à la fin, l’intuition ; à une extrémité l’intuition sensible, à une autre l’intuition intellectuelle. La science proprement dite ne roule que sur le tout, complexe et divisible, qui a sa cause hors de lui, et elle ne fait que l’embrasser dans le tout d’une notion également divisible et complexe. Elle est tout entière dans des combinaisons générales de la matière et de la forme idéales, ou des conceptions de l’entendement. Elle est le monde de la contradiction et de la contrariété des idées, parmi lesquelles s’exerce l’activité de la raison discursive. » (Essai sur la Métaphysique d’Aristote, t. I p. 530.)

À la théorie péripatéticienne de la raison discursive, se rattache celle de l’origine de nos erreurs. Selon Aristote, la sensation et l’intelligence sont infaillibles chacune dans l’intuition de son objet : l’erreur ne peut se trouver que dans les combinaisons que la raison discursive fait de nos conceptions. Voici comment ce philosophe s’exprime à cet égard :

« L’intelligence, quand elle ne s’applique qu’aux indivisibles, ne peut commettre d’erreur : car dans le cas où il y a erreur ou vérité, c’est qu’il y a déjà comme une combinaison de pensées, réduites à une sorte d’unité… Les pensées, toutes séparées qu’elles sont les unes des autres, sont combinées par l’intelligence, par exemple, celle de l’incommensurable avec celle du diamètre. S’il s’agit de choses qui ont été ou qui doivent être, l’intelligence y suppute en outre le temps et l’y combine. C’est que l’erreur, ici non plus, ne se trouve jamais que dans la combinaison. En effet, quand on suppose que le blanc n’est pas blanc, c’est par une combinaison qu’on affirme qu’il n’est pas blanc… L’assertion qui énonce une chose d’une autre chose, de même que l’affirmation, est toujours vraie ou fausse. L’intelligence est vraie quand elle juge ce qu’est la chose d’après l’essence même de la chose ; elle peut ne pas l’être quand elle attribue telle chose à telle autre chose[1].


    opération, et c’est celle même de l’entendement, qui précisément, et en elle-même, n’est point attachée au corps, encore qu’elle en dépende indirectement, en tant qu’elle se sert des sensations et des images sensibles. »

  1. Bossuet expose plus clairement la même doctrine dans le passage suivant (ibidem, chap. I, § 7) : « Les sens ne nous apportent que leurs propres sensa-