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PREMIÈRE ENNÉADE, LIVRE I.

tout comme y sont A, B. C’est une même et seule chose, bien que la façon d’être ne soit pas identique ; et de même aussi dans ce cas, le raisonnement ne change point, si A est le doux et que B soit le blanc. Ainsi donc l’âme intelligente pense les formes dans les images qu’elle perçoit ; et c’est en quelque sorte en elles que se détermine pour l’âme ce qu’il faut rechercher ou fuir. Ce n’est pas de la sensation que lui vient le mouvement, alors qu’elle s’applique aux images ; comme, par exemple, quand, sentant que le flambeau est en feu, et, voyant par le sens qui est commun, que le flambeau est en mouvement, l’âme comprend qu’il y a danger. Parfois aussi, d’après les images et les pensées qui sont dans l’âme, l’intelligence calcule et dispose l’avenir par rapport au présent, tout comme si elle voyait les choses. ... En résumé l’intelligence en acte est les choses quand elle les pense. Nous verrons plus tard s’il est ou non possible que, sans être elle-même séparée de l’étendue, elle pense quelque chose qui en soit séparé. » (De l’Âme, III, 7 ; p. 315-318 de la trad.)

6. Raison discursive.

« L’âme raisonnable constitue l’homme. Dans tout raisonnement, c’est nous qui raisonnons, parce que le raisonnement est l’acte propre de l’âme (Enn. I, liv. i, § 7, p. 44)... La pensée discursive, διάνοια, qui apprécie les formes provenant de la sensation, qui regarde, qui sent en quelque sorte les images, est la faculté essentielle et constitutive de l’âme véritable[1]. La conception des choses vraies, ἡ διάνοια ἡ ἀληθὴς [ainsi appelée par Plotin par opposition à l’imagination sensible, qui est la conception des choses fausses, ἡ τῶν ψευδῶν λεγομένη διάνοια], est l’acte des pensées intuitives (ibidem, § 9, p. 46). »

Le sens de ces passages de Plotin est que la raison discursive, faculté essentielle de l’âme humaine, s’exerce à la fois, par le jugement et le raisonnement, sur les images provenant de la sensation et sur les conceptions de l’intelligence[2]. Cette théorie de la raison dis-

  1. Voy. plus loin les extraits du Commentaire de Ficin.
  2. Cette théorie de l’entendement se trouve également dans Bossuet (ibidem, chap. III, § 14) : « Nous avons vu que notre esprit, averti de cette suite de faits que nous apprenons par nos sens, s’élève au-dessus, admirant en lui-même et la nature des choses, et l’ordre du monde. Mais les règles et les principes par lesquels il aperçoit de si belles vérités dans les objets sensibles sont supérieurs aux sens ; et il en est à peu près des sens et de l’entendement comme de celui qui propose simplement les faits et de celui qui en juge. Il y a donc déjà en notre âme une