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Page:Plotin - Ennéades, t. I.djvu/71

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LXVI
PORPHYRE.

composent de vapeurs humides, il en résulte pour elle une ignorance complète de l’être, une sorte d’éclipse et une véritable enfance. Au sortir d’un corps terrestre, ayant son esprit encore troublé par ces vapeurs humides, elle s’attache une ombre qui l’appesantit[1]) : car un esprit de cette sorte tend naturellement à descendre dans les profondeurs de la terre à moins qu’il ne soit retenu et relevé par une cause supérieure. De même que l’âme est attachée à la terre par son enveloppe terrestre ; de même l’esprit humide, auquel elle est unie, lui fait traîner après elle une image qui la rend pesante. Or elle s’entoure de vapeurs humides quand elle vient à se mêler à la nature dont le travail est humide et souterrain. Mais si elle se sépare de la nature, une lumière sèche, sans ombre et sans nuage, brille aussitôt autour d’elle. En effet, c’est l’humidité qui forme les nuages dans l’air; la sécheresse de l’atmosphère produit une clarté sèche et sereine.


LIVRE SIXIÈME.
DE LA SENSATION ET DE LA MÉMOIRE[2].
De la Sensation.

XXIV.[3] L’âme contient les raisons [essences] de toutes choses. Elle opère selon ces raisons, qu’elle soit provoquée à l’acte par un objet extérieur, ou qu’elle se tourne vers ces raisons en se repliant

  1. Dans son traité De l’Antre des Nymphes, Porphyre a longuement développé ces idées. Il paraît les avoir empruntées à Héraclite dont il fait plusieurs citations remarquables dans le passage suivant : « Les âmes qui descendent dans la génération volent sur les vapeurs humides. De là vient que Héraclite dit : Ce qui plaît aux âmes humides, ce n’est pas de mourir, c’est de tomber dans la génération. Ailleurs Héraclite dit encore : Notre vie est la mort des âmes, et la mort des âmes est notre vie… Les âmes éprises d’amour pour les corps attirent un esprit humide qui se condense comme un nuage. Ce sont en effet des vapeurs condensées qui forment des nuages dans l’air. Quand l’esprit qui entoure les âmes s’est condensé par l’abondance des vapeurs, ces âmes deviennent visibles. De ce nombre sont les âmes qui, ayant souillé leur esprit, apparaissent aux hommes sous la forme de spectres. Les âmes pures, au contraire, ont de l’aversion pour la génération. C’est ce qui a fait dire au même Héraclite : L’âme sèche est très sage. »
  2. Les § XXIV et XXV sont un sommaire du livre VI de l’Ennéade IV (De la Sensation, De la Mémoire).
  3. Le § XXIV est cité par Stobée, Eclogœ physicœ, I, 62, p. 816. Il se rapporte principalement à l’extrait du livre VI qui est cité dans ce volume. p. 335, note 1.