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Page:Plotin - Ennéades, t. I.djvu/72

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LXVII
PRINCIPES DE LA THÉORIE DES INTELLIGIBLES.

sur elle-même[1]. Quand elle est provoquée à l’acte par un objet extérieur, elle y applique ses sens ; quand elle se replie sur elle-même, elle s’applique aux pensées. Il en résulte, dira-t-on peut-être, qu’il n’y a pas de sensation ni de pensée sans imagination : car, de même que, dans la partie animale, il n’y a pas de sensation sans une impression produite sur les organes des sens ; de même, il n’y a pas de pensée sans imagination. Sans doute : il y a là analogie. De même que l’image sensible (τύπος) résulte de l’impression éprouvée par la sensibilité[2] ; de même l’image intellectuelle (φάντασμα) résulte de la pensée[3].

De la mémoire.

XXV. La mémoire ne consiste pas à garder des images. C’est la faculté de reproduire les conceptions dont notre âme s’est occupée[4].

  1. La même idée se retrouve dans un passage de Porphyre, que Némésius cite en ces termes : « Porphyre dit, dans son traité De la Sensation, que la vision n’est produite ni par un cône, ni par une image, ni par toute autre chose ; mais que l’âme, mise en rapport avec les objets visibles, reconnaît qu’elle est elle-même ces objets, parce qu’elle contient tous les êtres, et que toutes choses ne sont que l’âme contenant les différents êtres. En effet, puisque Porphyre prétend qu’il n’y a qu’une seule espèce d’âme pour toutes choses, laquelle est l’âme raisonnable, il a raison de dire que l’âme se reconnaît dans tous les êtres. » (Némésius, De la Nature de l’homme, chap. VII.) Sur ce point que, selon Porphyre, toutes les âmes sont raisonnables, Voy. le même ouvrage de Némésius, chap. I.
  2. Voy. les Notes, p. 325.
  3. Ibid., p. 338-341.
  4. Cette définition de la mémoire est la reproduction de celle que Plotin en donne : « Il ne faut pas oublier que la mémoire ne consiste pas à garder des impressions, mais que c’est la faculté qu’a l’âme de se rappeler et de se rendre présentes les choses qui ne lui sont pas présentes. (Enn. III, liv. VI, § 2.) Il faut aussi rapprocher du § XXV de Porphyre un fragment du même auteur qui appartient au traité Des Facultés de l’âme : « De même que nous connaissons les autres facultés de l’âme par leurs opérations, de même, en considérant la mémoire, nous avons établi qu’elle consiste à se rappeler les choses qui ont été perçues par les sens ou par la raison. La faculté de l’âme que nous appelons mémoire, parce qu’elle consiste dans le rappel, est définie par Aristote l’habitude de l’image, c’est-à-dire de la représentation sensible dont est née l’image. En effet, quand une sensation arrive à l’imagination, cette faculté éprouve alors une modification passive qui est appelée image. Ainsi, quand la sensibilité se trouve mise en jeu par la sensation, la représentation qui en naît dans l’imagination remplit le rôle de portrait à l’égard de l’objet imaginé : car elle est en quelque sorte le portrait de ce qui est tombé sous le sens. Quand l’imagination est devenue l’habitude de l’image, elle est appelée mémoire. Cette faculté appartient même aux animaux privés de raison. Mais l’imagi-