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LXIX
PRINCIPES DE LA THEORIE DES INTELLIGIBLES.

ments sont par cela même périssables. Quant à celles qui, n’étant pas composées, doivent leur être à la simplicité de leur substance, elles sont impérissables, en tant qu’indissolubles ; en disant qu’elles sont engendrées, on n’entend pas qu’elles soient composées, mais seulement qu’elles dépendent d’une cause. Ainsi les corps sont doublement engendrés, d’abord comme dépendant d’une cause, ensuite comme composés. L’âme et l’intelligence sont engendrées sous ce rapport qu’elles dépendent d’une cause, mais non sous ce rapport qu’elles seraient composées. Donc les corps, étant doublement engendrés, sont dissolubles et périssables. L’âme et l’intelligence, n’étant pas engendrées sous ce rapport qu’elles ne sont pas composées, sont indissolubles et impérissables : car elles ne sont engendrées que sous ce rapport qu’elles dépendent d’une cause[1].

XXIX. Tout principe qui engendre en vertu de son essence est supérieur au produit qu’il engendre. Tout être engendré se tourne naturellement vers son principe générateur. Quant aux principes générateurs, quelques-uns [les substances universelles et parfaites] ne se tournent pas vers leur produit, d’autres [les substances particulières et sujettes à incliner vers le multiple] se tournent en partie vers leur produit et restent en partie tournés vers eux-mêmes, d’autres enfin se tournent vers leur produit et ne se tournent pas vers eux-mêmes.

Du Retour des êtres au Premier.

XXX. Des substances universelles et parfaites, aucune ne se tourne vers son produit. Toutes les substances parfaites se ramènent aux principes qui les ont engendrées. Le corps du monde lui-même, par cela seul qu’il est parfait, se ramène à l’Âme intelligente, et c’est pour cela que son mouvement est circulaire[2]L’Âme du monde se ramène à l’Intelligence, et l’Intelligence au Premier[3]. Tous les êtres aspirent donc au Premier, chacun dans la mesure de son pouvoir, depuis celui qui occupe le dernier rang dans l’univers. Ce retour des êtres au Premier (ἡ πρὸς τὸ πρῶτον ἀναγωγὴ) est nécessaire, qu’il soit d’ailleurs médiat ou immédiat. Aussi peut-on dire que les êtres n’aspirent pas seulement à Dieu, mais qu’ils en jouissent encore chacun selon son pouvoir[4]. Quant aux substances particulières

  1. Le § XXVIII est cité par Stobée, Eclogæ physicæ, I, 51, p. 778.
  2. Voy. Enn. II, liv. II, § 1, p. 159
  3. Le Premier, l’Intelligence et l’Âme du monde sont les trois hypostases divines. Voy. p. 320.
  4. « Tout astre, en quelque endroit qu’il se trouve, est transporté de joie en embrassant Dieu ; ce n’est point par raison, mais par une nécessité naturelle. » (Enn. II, liv. II, § 2, p. 163.)