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PORPHYRE.

et sujettes à incliner vers le multiple, il est dans leur nature de se tourner non seulement vers leur auteur, mais encore vers leur produit. C’est de cela que résulte leur chute et leur infidélité. La matière les pervertit parce qu’elles peuvent incliner vers elle, quoiqu’elles puissent aussi se tourner vers Dieu[1]. Ainsi, la perfection fait naître des premiers principes et tourne vers eux les êtres qui occupent le second rang. L’imperfection, au contraire, tourne les choses supérieures vers les choses inférieures, et leur inspire de l’amour pour ce qui s’est avant elles-mêmes éloigné des premiers principes [pour la matière][2].


LIVRE TROISIÈME.
DES HYPOSTASES QUI CONNAISSENT ET DU PRINCIPE SUPÉRIEUR[3].
L’Intelligence se connaît par un retour sur elle-même.

XXXI.[4] Quand un être subsiste par autrui, qu’il ne subsiste point par lui-même en se séparant d’autrui, il ne saurait se tourner vers lui-même pour se connaître en se séparant du sujet par lequel il subsiste : car il s’altérerait et il périrait en se séparant de son être. Mais quand un être se connaît lui-même en se séparant de celui auquel il est uni, qu’il se saisit lui-même indépendamment de cet être, qu’il le fait sans s’exposer à périr, il ne tient évidemment pas sa substance de l’être dont il peut, sans périr, se séparer pour se tourner vers lui-même et pour se connaître lui-même d’une manière indépendante. Si la vue, si la sensibilité, en général, ne se sent point elle-même, ne se perçoit pas en se séparant du corps, et ne subsiste point par elle-même ; si l’intelligence, au contraire, pense mieux en se séparant du corps, et se tourne vers elle-même sans périr : il est clair que les facultés sensibles ne passent à l’acte que par le secours du corps, tandis que l’intelligence possède par elle-même, et non par le corps, l’acte et l’être.

  1. Porphyre avait composé sur ce sujet le traité Du Retour de l’âme à Dieu, qui est souvent cité par saint Augustin dans le livre X de la Cité de Dieu.
  2. Voy. p. LIV, note 4 ; p. LXXXVI.
  3. Les § XXXII-XXXIV sont un commentaire du livre III de l’Ennéade V (Des hypostases qui connaissent et du principe supérieur).
  4. Le § XXXI se rapporte principalement au § 1 du livre III.