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TROISIÈME ENNÉADE.

Au reste, s’il y a dans le monde des bons et des méchants, et que ces derniers jouent un plus grand rôle, il arrivera alors ce qu’on voit dans les drames, où le poëte tantôt impose ses idées aux acteurs, tantôt se borne à se servir de leur naturel. Il ne dépend pas du poëte qu’un acteur obtienne le premier, le second ou le troisième rang. Il donne seulement à chacun le rôle (λόγος) qu’il est capable de remplir et il lui assigne une place convenable. De même [dans le monde], chacun occupe la place qui lui est assignée, et le méchant a aussi bien que le bon celle qui lui convient[1]. Chacun, selon sa nature et son caractère (ϰατὰ φύσιν ϰαὶ ϰατὰ λόγον), vient occuper la place qui lui convient et qu’il avait choisie, puis parle et agit avec piété, s’il est bon, avec impiété, s’il est méchant. Avant que le drame commençât, les acteurs avaient déjà leur caractère propre ; ils n’ont fait que le développer. Dans les drames composés par les hommes, c’est le poëte qui as-


    leur ignorance des vrais biens et des vrais maux, aveuglement aussi grand que celui qui nous empêche de distinguer le blanc d’avec le noir. » (Marc-Aurèle, Pensées, II, § 13.)

  1. « Illud jam ex vobis requiro utrum quœcunque agit stultus ordine vobis agere videatur. Nam videte rogatio quos laqueos habeat. Si ordine dixeritis, ubi erit illa definitio : Ordo est quo Deus agit omnia quœ sunt, si etiam stultus quœ agit, agit ordine ? Si autem ordo non est in iis quæ aguntur a stulto, erit aliquid quod ordo non teneat. Neutrum autem vultis… Facile est huic respondere complexioni tuæ. Omnis vita stultorum, quamvis per eos ipsos minime constans minime que ordinata sit, per divinam tamen Providentiam necessario rerum ordine includitur, et quasi quibusdam locis illa ineffabili et sempiterna lege dispositis nullo modo esse sinitur ubi esse non debet. Ita fit ut angusto animo ipsam solam quisque considerans, veluti magna repercussus fœditate, aversetur ; si autem mentis oculos erigens atque diffundens simul universa collustret, nihil non ordinatum suisque semper sedibus distinctum dispositumque reperiet. » (S. Augustin, De Ordine, II, 4.) S. Augustin appelle ici Ordre ce que Plotin nomme Raison de l’univers.