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LIVRE DEUXIÈME.

choses qui sont les conséquences et les résultats des mauvaises œuvres sont produites par des raisons, et sont conformes à la Raison universelle : ainsi, d’un adultère, d’un viol, naissent des enfants naturels qui peuvent être des hommes très-distingués ; de même, de cités détruites par des hommes pervers naissent d’autres cités florissantes.

On dira peut-être : il est absurde d’introduire dans le monde des âmes qui font, les unes le bien, les autres le mal : car c’est enlever à la Raison universelle le mérite du bien qui se fait, en la déchargeant de la responsabilité du mal. Qui empêche d’admettre que les choses que font les acteurs soient des parties du drame, dans l’univers comme sur la

    fournit être, force, vie, raison, sans se faire voir. C’est là où le franc arbitre joue son jeu. et Dieu se joue, pour ainsi dire, de ces petits dieux qu’il a trouvé bon de produire, comme nous nous jouons des enfants qui se font des occupations que nous favorisons ou empêchons sous main comme il nous plaît. L’homme est donc comme un petit dieu dans son propre monde ou microcosme, qu’il gouverne à sa mode. Il y fait merveille quelquefois… mais il y fait aussi de grandes fautes, parce qu’il s’abandonne à ses passions, et parce que Dieu l’abandonne à son sens : il l’en punit aussi, tantôt comme un père ou précepteur, exerçant ou châtiant les enfants, tantôt comme un juste juge punissant ceux qui l’abandonnent ; et le mal arrive le plus souvent quand ces intelligences ou leurs petits mondes se choquent entre eux. L’homme s’en trouve mal à mesure qu’il a tort ; mais Dieu, par un art merveilleux, tourne tous les défauts de ces petits mondes au plus grand ornement de son grand monde. C’est comme dans ces inventions de perspective où certains beaux desseins ne paraissent que confusion jusqu’à ce qu’on les rapporte à leur vrai point de vue, ou qu’on les regarde par le moyen d’un certain verre ou miroir. C’est en les plaçant et en s’en servant comme il faut qu’on les fait devenir l’ornement d’un cabinet. Ainsi les difformités apparentes de nos petits mondes se réunissent en beautés dans le grand, et n’ont rien qui s’oppose à l’unité d’un principe universel infiniment parfait ; au contraire, ils augmentent l’admiration de sa sagesse, qui fait servir le mal au plus grand bien. »