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TROISIÈME ENNÉADE.


donc nous conduit-il ? Il nous conduit durant le cours de notre vie mortelle [parce qu’il nous est donné pour nous aider à accomplir notre destinée] ; mais il ne peut plus nous conduire quand notre destinée est accomplie, parce que la puissance à l’exercice de laquelle il présidait laisse agir à sa place une autre puissance (car elle est morte, puisque la vie dans laquelle elle agissait est terminée). Cette autre puissance veut agir à son tour, et, après avoir établi sa prépondérance, elle s’exerce durant le cours d’une nouvelle vie, ayant elle-même un autre démon[1]. Si nous venons alors à nous dégrader en laissant prévaloir en nous une puissance inférieure, nous en sommes punis. En effet, le méchant déchoit, parce que la puissance qu’il a développée dans sa vie le fait descendre à l’existence de la brute en le rendant semblable à elle par ses mœurs. S’il pouvait suivre le démon qui lui est supérieur, il deviendrait lui-même supérieur en partageant sa vie. Il prendrait ensuite pour guide une partie de lui-même supérieure à celle qui le gouverne, puis une autre partie supérieure encore, jusqu’à ce qu’il fût parvenu à la plus élevée. En effet, l’âme est plusieurs choses, ou plutôt, elle est toutes choses : telle est à la fois les choses inférieures et les choses supérieures ; elle contient tous les degrés de la vie[2]. Nous sommes chacun en quelque sorte le monde

  1. Nous ferons pour ce passage la même remarque que pour le commencement de ce paragraphe. La traduction de Ficin est elle-même aussi obscure que le texte. On ne trouve dans son Commentaire que les lignes suivantes qui soient susceptibles d’éclaircir un peu notre texte : « Post hanc in terreno corpore vitam, dæmon animam ad judicium ducit, antequam ad corpus terrenum redeat : dœmon, dico, alius, quatenus alia tunc in anima species sit vivendi. » On lit dans le livre suivant, § 7, p. 116 : « Ceux qui sont subordonnés à des démons divers sont subordonnés successivement à tel ou tel démon. ils laissent reposer celui qu’ils avaient antérieurement pour guide, et font présider à leurs actes une autre puissance de leur âme, laquelle est immédiatement supérieure à celle qui agit en eux. »
  2. Voy. Enn. IV, liv. VI, § 3.