Page:Plotin - Ennéades, t. II.djvu/143

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
93
LIVRE QUATRIÈME.


notre vie[1] ? Non : notre démon est la puissance immédiatement supérieure à celle que nous exerçons : car elle préside à notre vie sans agir elle-même. La puissance qui agit en nous est la puissance inférieure à celle qui préside à notre vie, et c’est elle qui nous constitue essentiellement. Si donc nous vivons de la vie sensitive, nous avons pour démon la Raison ; si nous vivons de la vie rationnelle, nous avons pour démon le principe supérieur à la raison [l’Intelligence], principe qui préside à notre vie, mais n’agit pas lui-même et laisse agir la puissance inférieure. Platon dit avec vérité que « nous choisissons notre démon » : car, par le genre de vie que nous préférons, nous choisissons le démon qui préside à notre vie. Pourquoi

    âme immédiatement supérieure à celle qui agit en nous, la raison, par exemple, dans les hommes irascibles, le principe irascible dans les hommes livrés à la concupiscence. » (Proclus, Commentaire sur l’Alcibiade, t. II, p. 202.)

  1. Voici le passage de Platon que Plotin commente ici : « Âmes passagères, vous allez recommencer une nouvelle carrière et renaître à la condition mortelle. Vous ne devez point échoir en partage à un génie : vous choisirez chacune le vôtre. Celle que le sort appellera choisira la première, et son choix sera irrévocable. La vertu n’a point de maître : elle s’attache à qui l’honore et abandonne qui la néglige. On est responsable de son choix : Dieu est innocent….. Après que toutes les âmes eurent fait choix d’une condition, elles s’approchèrent de Lachésis dans l’ordre suivant lequel elles avaient choisi ; la Parque donna à chacune le génie qu’elle avait préféré, afin qu’il lui servît de gardien durant le cours de sa vie mortelle et qu’il lui aidât à remplir sa destinée. Ce génie la conduisait d’abord à Clotho, qui de sa main et d’un tour de fuseau confirmait la destinée choisie. Après avoir touché le fuseau, il la menait de là vers Atropos, qui roulait le fil pour rendre irrévocable ce qui avait été filé par Clotho. Ensuite, sans qu’il fût désormais possible de retourner en arrière, on s’avançait vers le trône de la Nécessité, sous lequel l’âme et son génie passaient ensemble. » (Platon, République, liv. X, p. 617, 620 ; t. I, p. 287, 293 de la trad. de M. Cousin.) Voy. aussi Enn. II, liv. III, § 9, 15.