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TROISIÈME ENNÉADE.


Il est d’abord nécessaire de dire quelque chose de Vénus, d’expliquer si l’Amour est né de Vénus ou s’il est seulement né avec elle et en même temps. Qu’est-ce que Vénus ? Est-elle mère de l’Amour ? En est-elle contemporaine ? Ou bien en est-elle à la fois mère et contemporaine ? Pour répondre à ces questions nous dirons qu’il y a deux Vénus[1]. La première est Vénus Uranie, fille d’Uranos. La seconde [Vénus Populaire] est fille de Jupiter et de Dioné : c’est celle-ci qui préside aux mariages d’ici-bas. La première, au contraire, n’a point de mère et ne préside pas aux mariages, parce qu’il n’y en a pas dans le ciel. Vénus Uranie, fille de Cronos[2], c’est-à-dire de l’Intelligence, est l’Âme divine, qui est née pure de l’Intelligence pure et qui demeure la-haut[3] : elle ne peut ni ne veut descendre ici-bas, parce que sa nature ne lui permet pas d’incliner vers la terre. Elle est donc une hypostase séparée de la matière et n’ayant aucune participation avec elle. C’est ce qu’on a

    ᾈφροδίτης γενεθλίοις ἐϰ τῆς Πενίας τοῦ Πόρου [γεγονέναι λέγεται Ἔρως] ; et M. Kirchhoff : οὐϰ [ᾈφροδίτης φησὶν αὐτον γενέσθαι, ἀλλ’ ἐν]] ᾈφροδίτης ϰ. τ. λ., ce qui nous semble préférable. Ficin n’essaie pas de suppléer la lacune et traduit : « ubi scribitur in Veneris natalibus Amorem ex Indigentia Copiaque progenitum. » Voy. le Banquet (t. I, p. 299-301, trad. de M. Cousin). Voy. aussi Porphyre, Principes de la théorie des intelligibles, § XXXIX, t. I, p. LXXX.

  1. Voy. Platon, Banquet (p. 185 ; t. I, p.254, trad. fr.)
  2. « Le nom de Cronos est composé de deux parties. dont la première, χόρος, signifie, non pas le fils, mais bien ce qu’il y a de plus pur dans νόος, l’intelligence. Cronos, à son tour est, dit-on, fils d’Uranos (le Ciel). On a très-bien appelé Uranie (Οὐρανία, ὁρῶσα τὰ ἄνω), la contemplation des choses d’en haut, d’où vient l’intetligence pure, s’il en faut croire les hommes qui s’occupent des choses célestes et qui trouvent que le Ciel a été bien nommé Uranos. » (Platon, Cratyle, p. 396 ; t. XI, p. 39 de la trad. de M. Cousin.)
  3. L’Âme divine, née pure de l’Intelligence pure, est le principe que Plotin appelle la Puissance principale de l’Âme dans le livre III de l’Ennéade II, t. I, p. 191.