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TROISIÈME ENNÉADE.


le reconnaître], nous possédons simplement l’intellection et l’intelligible ; nous ne les possédons pas à la fois [c’est-à-dire complètement], mais d’une manière générale : de là vient que nous avons l’amour des choses générales. Nos conceptions, en effet, ont le général pour objet. Si nous concevons une chose particulière, c’est par accident : quand nous concevons, par exemple, que tel triangle vaut deux angles droits, ce n’est qu’au tant que nous avons d’abord conçu que le triangle en général possède cette propriété[1].

VIII. Enfin, qu’est ce Jupiter dans les jardins duquel Platon dit que Poros entra ? Que sont ces jardins ?

Vénus, comme nous en sommes déjà convenus, est l’Âme, et Poros est la Raison de toutes choses. Reste à expliquer ce qu’il faut entendre par Jupiter et par ses jardins.

Jupiter ne peut ici être l’Âme, puisque nous avons déjà admis que l’Âme était Vénus. Nous devons regarder ici Jupiter comme ce Dieu que Platon dans le Phèdre appelle le grand chef[2], et ailleurs, je crois, le troisième Dieu. Il s’explique plus clairement à cet égard dans le Philèbe, quand il dit que Jupiter « a une âme royale, une intelligence royale[3]. » Puisque Jupiter est ainsi à la fois une

    enim intellectum ad rationem se imaginationemque convertere, ut particularia distincte cognoscat. »

  1. Il y a dans le texte : ὧσπερ εἰ τόδε τὸ τρίγωνον δύο ὀρθὰς θεωρεῖ, ϰαθόσον ἁπλῶς τρέγωνον. Ficin traduit : « quemadmodum de proprio hoc triangula intelligit quis rectos angulos duos habere, quatenus triangulum ipsum simpliciter [habere duos rectos] intelligit. » On trouve une idée toute pareille dans Bossuet : « Il y a une grande différence entre imaginer le triangle et entendre le triangle. Imaginer le triangle, c’est s’en représenter un d’une mesure déterminée et avec une certaine grandeur de ses angles et de ses côtés ; au lieu que l’entendre, c’est en connaître la nature et savoir en général que c’est une figure à trois côtés sans déterminer aucune grandeur ni proportion particulière. » (De la Conn. de Dieu, I, § 9.)
  2. Voy. Platon, Phèdre, p. 246 ; t. VI, p. 49, tr. fr.
  3. Voy. Platon, Philèbe, p. 28 ; t. II, p. 347, tr. fr.