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AVERTISSEMENT.

mysticisme qui lui ont été si souvent adressées. Si l’on fait consister le panthéisme, comme on le doit, dans l’identification de la nature avec Dieu, de la créature avec le créateur, et non dans telle ou telle explication contestable de la création, dans la théorie de l’émanation, par exemple, personne n’est moins panthéiste que Plotin : car, bien qu’admettant que tous les êtres émanent ou procèdent de l’Un, c’est-à-dire du Dieu suprême, il maintient partout la personnalité et la liberté humaines ; il proteste avec force contre toute doctrine qui tendrait à les supprimer, et c’est avec cette arme puissante qu’il combat le panthéisme des Stoïciens et celui des Nouveaux Pythagoriciens[1], d’accord en cela avec la plus grande autorité théologique, avec saint Thomas, l’ange de l’École.

Quant au mysticisme, que l’on considère généralement comme étant le pivot de toute la doctrine de Plotin, nous pouvons dire que si l’on entend par là, non pas l’amour de l’idéal, la tendance vers les régions intellectuelles et le détachement des biens terrestres, mais la théorie de l’extase et de l’union avec Dieu, cette théorie, loin de faire le fond du néoplatonisme, y occupe si peu de place qu’elle semble n’y être qu’un hors-d’œuvre ou du moins un accessoire inutile. Dans les quatre premières Ennéades, on trouve à peine quelques lignes qui se rapportent à l’extase, et, si l’on considère l’ensemble de l’œuvre de Plotin, on peut dire hardiment que la plupart des livres dont elle se compose n’ont aucune espèce de rapport, ni direct ni indirect, avec le mysticisme. Bien plus, Plotin a combattu avec force le mysticisme des Gnostiques et il ne craint pas de signaler certaines exagérations de Platon lui-même à cet égard[2]. Le mysticisme modéré qu’il admet ne dépasse en rien celui que professaient alors la plupart des Pères de l’Église, notamment saint Augustin, avec lequel il se trouve encore ici pleinement d’accord. Au reste, quelque opinion que l’on ait du mysticisme, ce qui peut se rencontrer de cette doctrine dans Plotin ne doit en rien affaiblir le mérite de ses observations sur les facultés de l’âme ou diminuer la valeur des preuves si solides qu’il a données de la Providence, de la spiritualité et de l’immortalité de l’Âme humaine.

On a aussi répété contre Plotin l’accusation d’avoir été l’ennemi du christianisme : nous ne pourrions répondre à cette imputation qu’en rappelant les hommages rendus à ce philosophe par plusieurs

  1. Voy. notamment Ennéade IV, liv. III, § 4 et 5, et les rapprochements indiqués dans les notes de ces paragraphes, ainsi que les Éclaircissements p. 515 et 516.
  2. Voy. notamment Enn. IV, liv. VIII, § 11 p. 478-79.