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TROISIÈME ENNÉADE.


c’est encore anéantir les choses dont on la sépare, en sorte qu’elle ne soit pas étouffée par le tourbillon[1] qui se déchaîne quand on laisse prendre trop de force au corps ; il faut alors affaiblir celui-ci pour le gouverner plus facilement[2].

VI. Nous avons suffisamment démontré l’impassibilité de l’Essence intelligible, qui est tout entière comprise dans le genre de la Forme. Mais, comme la Matière est aussi une chose incorporelle, quoiqu’elle le soit d’une autre façon, nous devons également examiner quelle nature elle a, chercher si elle peut pâtir et subir toute espèce de modification, comme on le pense communément, ou bien si elle est au contraire impassible, et, dans ce cas, en quoi consiste son impassibilité.

Puisque nous sommes ainsi conduits à traiter de la nature de la matière, nous devons d’abord établir que la nature, l’essence, et l’existence de l’Être ne sont pas ce que croit le vulgaire. En effet, l’Être est ; il est, dans l’acception véritable de ce mot, c’est-à-dire il est essentielle-

  1. ἐπὶ πνεῦματος θολεροῦ. Ces mots s’expliquent par l’expression qui se trouve plus haut : ϰαὶ τὸ ὥσπερ φῶς μὴ ἐν θολερῷ.
  2. Voy. Porphyre, Principes de la théorie des intelligibles, § 1 ; t. I, p. LV. Saint Augustin dit encore à ce sujet : « Conversa [anima] a Domino suo adservum suum [corpus] necessario deficit ; conversa autem a servo suo ad Dominum suum necessario proficit… Oportet enim animam et regi a superiore et regere inferiorem. Superior illa solus Deus est, inferius illa solum corpus, si ad omnem et totam animam intendas… Neglecto autem Domino, intenta in servum carnali quæ dicitur concupiscenda, sentit motus suos quos illi exhibet, et minus est… Convertenti se autem ad Dominum major cura oritur, ne avertatur ; donec carnalium negotiorum requiescat impetus, effrenatus consuetudine diuturna et tumultuosis recordationibus conversioni ejus sese inserens ; ita sedatis motibus suis, quibus in exteriora provehebatur, agit otium intrinsecus liberum. » (De Musica, VI, 5.) S. Augustin reproduit ensuite toute la théorie des vertus purificatives et intellectuelles, telle qu’elle se trouve dans Plotin et dans Porphyre. Voy. ce morceau dans les Éclaircissements sur ce livre, à la fin du volume.