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LIVRE SIXIÈME.


ment ; il est d’une manière absolue, c’est-à-dire il ne lui manque rien de l’être ; étant pleinement l’être, il n’a besoin d’aucune autre chose pour être et se conserver ; bien plus, si d’autres choses paraissent être, c’est à lui qu’elles le doivent. Si ce que nous avançons est vrai, l’Être doit posséder la vie, la vie parfaite (sans cela, il ne serait pas plus l’être que le non-être) ; or la vie parfaite, c’est l’intelligence, c’est la sagesse parfaite. L’Être est donc déterminé et défini. Il n’est en puissance aucune chose qui ne se trouve déjà en lui ; sans cela il ne se suffirait pas pleinement à lui-même. Il est donc éternel, immuable, incapable de rien recevoir, de rien s’adjoindre : car ce qu’il recevrait devrait lui être étranger, être par conséquent le non-être. L’Être doit donc posséder en lui-même toutes choses pour exister par lui-même, être toutes choses à la fois, être un et tout en même temps, puisque c’est en cela que nous faisons consister l’Être ; sinon, l’intelligence et la vie, au lieu d’émaner de l’Être, seraient des choses adventices pour lui[1]. Elles ne sauraient cependant provenir du non-être, et l’Être, de son côté, ne saurait être privé de l’intelligence et de la vie. Le véritable non-être n’aura donc l’intelligence et la vie que de la manière dont elles doivent se trouver dans les objets inférieurs et postérieurs à l’Être. Quant au principe supérieur à l’Être [l’Un], il donne à l’Être l’intelli-

  1. Ce passage est commenté par le P. Thomassin, Dogmata theologica, t. I, p. 265. Ce que Plotin dit ici sur l’immutabilité de l’Être se trouve d’ailleurs dans beaucoup d’auteurs : « Illa autem vera est æternitas, quæ est vera immortalitas, hæc est summa incommutabilitas, quam solus Deus habet, qui solus mutari non potest. » (S. Augustin, De Natura boni.) « Quænam rationalis consideratio omnimoda ratio ne non concludat, ut creatricem summamque omnium substantiam quam necesse est alienam esse et liberam a natura et jure omnium quæ ipsa fecit de nihilo, ulla loci cohibitio vel temporis includat ? Quum potius ejus potentia, quæ non est aliud quam ejus essentia, cuncta a se facta sub se continendo concludat, etc. » (S. Anselme, Monologium, 22.)